Partielo | Create your study note online quickly

Vers la normalisation de l’exception ?

S’interroger de savoir si finalement ces différents états d’exception ne finissent pas Par devenir des états normaux ? Par transfigurer l’Etat de droit ?

En principe, un état d’urgence c’est un état d’exception, c’est une modalité de l’EDD qui va lui permettre de fonctionner face à une menace particulièrement grave, mais ces états d’urgence doivent être nécessairement temporaires, les plus courts possibles.


Dérogation : depuis 2015, on vit quasiment sans interruption sous état d’urgence.


Qu’entend-t-on par normalisation de l’état d’urgence ?

c’est l’opération par laquelle l’état d’urgence, en tant que régime exceptionnel, prend formellement fin et les pouvoirs dans lesquels il s’incarne s’intègre au droit commun .

L’état d’urgence comme contamination de l’Etat de droit

I - La dilution temporelle de l’état d’urgence .


Depuis 2015 on assiste à une prolongation indéfinie de l’état d’urgence et à une incorporation des états d’urgence dans le droit commun.


Il y a tout d’abord les prolongations indéfinies des états d’urgence : En principe, un état d’urgence est un outil qui permet de faire face à une menace grave. Lorsque cet événement disparaît l’état d’urgence doit disparaître avec lui. Or, depuis 2015, il y a toute une série de loi de prorogation des états d’urgence.


EX1 : L’état d’urgence sécuritaire qui a fait l’objet de 6 loi de prorogation entre le 20 novembre 2015 et le 11 juillet 2017. Et notamment, la prorogation de mai 2016 se fait en prévision de l’euro de football et non pour un motif de risques d’attentats. Celle de juillet 2016 proroge de 6 mois à cause de l’attentat de Nice.


EX2 : initié en mars 2020 et semble avoir été terminé en juillet 2022. Là aussi, il y a eu une multiplication des lois de prorogations avec l'instauration des régimes transitoires ( 13 au total ). Certains auteurs ont décrit cela comme une course sans fin entre l’épidémie et la loi.


Les états d’urgence transitoire : catégorie des états d’urgence ou état normal ?


La doctrine parle d’état d’urgence d’innomé, le défenseur des droits par d’un état d’urgence sanitaire qui ne dit pas son nom : ça relève à la fois de la norme et de l’exception :


  • la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, va créer un régime un peu nouveau : le déconfinement. Elle allège progressivement les mesures restrictives de libertés, avec quand même des restrictions qui vont demeurer comme la fermeture de certains lieux.
  • la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie du régime transitoire. Là encore, le pouvoir public se dote d’outils pour interdire certains rassemblements, fermeture d’établissement etc.. Seul le confinement ne peut plus être mis en place. 
  • Une autre loi encore, instaure un régime transitoire plus rigoureux comme les couvres feux, l’obligation de faire des tests de dépistage pour circuler, la présentation d’un pass sanitaire pour les rassemblements.
  • la loi de 30 juillet 2022, qui mettent fin au régime d’exception créée pour gérer la crise sanitaire. On est plus dans un régime d’exception ou transitoire, mais cette loi permet de donner au premier ministre des pouvoirs en matières sanitaires en dehors de tout régime d’exception ou d’état d’urgence sanitaire.


❖ L’autre brouillage temporel est dû au fait qu’on va progressivement codifier, incorporer l’état d’urgence dans le droit commun.


1)- sous l'état d'urgence sécuritaire.


la loi du 21 juillet 2016, prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste. Cette loi comporte deux parties, le Titre I porte sur l’état d’urgence et le Titre II sur le renforcement de la lutte antiterroriste. Cet objet différent entraîne cette loi à modifier plusieurs codes : CP, CPC, Code de la sécurité intérieure et à chaque fois on crée de nouveaux outils qu’on incorpore dans ces codes de droit commun.


> On codifie des mesures qui concernent l’état d’urgence dans des codes de droit commun. 


2)- sous l'état d'urgence sanitaire .

la loi du 23 mars 2020 a 2 objets : on modifie le CSP et on instaure l’état d’urgence. Cette loi elle était prévue de manière temporaire, mais on a modifié de manière pérenne le CSP. Et on a modifié la partie du CSP qui était relative aux menaces sanitaires graves, en permettant au ministre de la santé de prendre le relais une fois l’état d’urgence sanitaire terminé.



II - Le débat autour de la constitutionnalisation de l’état d’urgence .


Une partie de la doctrine constitutionnaliste a posé la question de savoir s’il ne faudrait pas inscrire dans la Constitution l’état d’urgence au côté d’autres états d’exception ? 


ce débat soulevé par les comités de réflexion en 1993 et 2007 a été ravivé après les attentats de 2015 lorsque le président Hollande a proposé une évolution constitutionnelle pour renforcer les pouvoirs de lutte contre le terrorisme . ----> un projet de loi visant à constitutionnaliser l'EU et à protéger les libertés a été proposé mais il n'a pas été adopté .


le débat se poursuit avec des arguments divers :


  • certains jugent la constitutionnalité inutile car déjà constitutionnalisé avec la JP du CC .
  • d'autres considèrent que c'est utile mais avec des précisions nécessaires sur des mesures gouvernementales .
  • Pour certains il y a un danger pour l’EDD à constitutionnaliser l’état d’urgence. Danger de confondre les dispositifs d’exception et la norme.



Cette dilution elle est liée à plusieurs choses : 


A)- L’inadaptation de l’état d’urgence aux « crises » actuelles.


premier argument : Le mot crise renvoie à quelque chose de temporaire normalement. Or, on peut se poser la question de savoir si le terrorisme et l’épidémie ne sont pas des menaces permanentes. Y a-t-il vraiment une adaptation de l’état d’urgence face à des événements qui ne sont pas temporaires ?


L’état d’urgence doit être mis en œuvre pour la durée la plus courte possible et non pour s’inscrire dans la durée. Une fois que la circonstance est maîtrisée on revient à la normal. -----> ce n'est pas le cas pour la crise sanitaire et sécuritaire .



deuxième argument : l’état d’urgence tel que nous le connaissons semble inadapté car le dispositif de l’état d’urgence doit être mis en œuvre quand il n’y a pas d’autres moyens de faire face au péril imminent. Or, certains juristes ont souligné le fait que les dispositifs normaux auraient suffit à prendre les mesures qui étaient rendues nécessaires par les deux états d’urgence.


EX : avant 2015, le Gouvernement disposait de tout un arsenal législatif lui permettant de faire face à la menace terroriste :


  • Ça commence en 1986, déjà dans cette loi, l’Etat français commence à se doter de tout un arsenal juridique (création du parquet national anti terroriste ; l’extension des procédures de GAV ) .
  • loi 15 novembre 2001, dans laquelle on étend les pouvoirs de police en matière de contrôles d’identité, de fouilles, de perquisitions.
  • loi 14 mars 2011, mesure de surveillance informatique, à l’étranger .


Donc : Le dispositif de l’état d’urgence est-il adapté alors qu’on dispose d’un arsenal juridique conséquent ? 


B - La dilution matérielle de l’état d’urgence dans le droit commun .


Chaque état d’exception qui a été appliqué en France, et en particulier les états d’urgence, va laisser des traces dans le système juridique de l’EDD.

---> la doctrine  relevé plusieurs impacts des mécanismes de l’exception dans le droit commun : 


  • L’effet de halo de l’état d’urgence : il y a une tendance à une sorte d’absorption, de débordement de l’état d’urgence vers d’autres politiques publiques. En principe, l’état d’urgence répond à un péril bien précis. Au fur à mesure de l’application de ces états d’urgence il y a une sorte de débordement de ces états d’exception pour affronter d’autres menaces que ceux initialement prévus. 


EX : l’état d’urgence sécuritaire. Ils se sont aperçus que beaucoup d’affaires concernées non pas des personnes qui avaient fait l’objet de mesure d’urgence, ou qui étaient soupçonnées d’infractions terroristes, mais que pas mal de ces mesures concernaient des personnes ou des groupes qui faisaient l’objet d’autres actions policières et à qui on reprochait une forme de radicalité politique.


  • L’effet cliquet de l’état d’urgence : l’état d’urgence va laisser des traces, il va y avoir une forme de sédimentation juridique qui va se mettre en place. A chaque fin d’état d’urgence, on ne reviendrait pas à la normale, et chaque état d’urgence laisserait dans le droit commun des traces permanentes. Ces traces ont peut les relever dans deux domaines :


- Dans un nouveau rapport de forces entre les pouvoirs publics au bénéfice du gouvernement sur l’action du Parlement, où le rôle apparaît en second.


- L’état d’urgence va contribuer à mettre en place de nouvelles techniques de gouvernement. Ce que la doctrine appelle la mise en place d’une société de la surveillance généralisée. 


  • L’effet de banalisation de l’état d’urgence dans le droit commun. Certaines AAI, comme le défenseur des droits ou la commission nationale des DH ont pu parler d’état d’urgence permanent.


EX : L’état d’urgence sécuritaire qui a pris fin en 2017 : la veille de son extinction une loi est promulguée, loi du 1er novembre 2017 sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) --->  loi va pérenniser certains outils de l’état d’urgence sécuritaire : les contrôles d’identité sans motif particulier ; la possibilité d’instaurer des couvre-feux ; la possibilité de recourir à des perquisitions ; à des assignations à résidence etc



 Les transformations de l’Etat de droit suite à l’avènement de l’état d’urgence matériel 

I: Une transformation de paradigme de l’Etat de droit .


A - La consécration normative de la sécurité .


C’est le passage du droit à la sûreté au droit à la sécurité. Les textes fondamentaux font une différence entre les deux termes.

A retenir :

Distinction entre les deux notions :


La sûreté : le droit à la sûreté figure à l’art. 2 DDHC. C’est la protection de l’individu contre les peines privatives de liberté qui seraient arbitraires . il fait appel au principe de la légalité des délits et des peines ----> Dans la DDHC la sûreté désigne bien cette garantie de la liberté individuelle, de cette protection contre l’emprisonnement, contre l’arrestation arbitraire.


La sécurité : chose moins précise. Pour remonter aux origines de la sécurité il faut remonter à Hobbes, la théorie du contrat social : l’homme vit dans un état de nature qui est dangereux, donc c’est un sentiment de besoin de sécurité physique, matériel, qui va pousser les hommes à s’associer dans un contrat social et à abdiquer de toutes leurs libertés, de tous leurs pouvoirs pour les remettre entre les mains d’un souverain (qu’on peut appeler aujourd’hui l’Etat). Ce besoin de sécurité va justifier, légitimer, le pouvoir absolu de ce souverain, de l’Etat.


----> la sécurité c’est la situation dans laquelle les personnes et les biens sont à l’abris des menaces qui pourraient peser sur eux On peut retrouver dans l’art. 12 DDHC .


  • droit à la sureté : lié à la protection individuelle contre l'arbitraire de l'Etat . il établit des protections juridiques qui empêchent l'Etat d'interférer dans la vie privée des citoyens sans justification légale .
  • Droit à la sécurité : se concentre sur protection de la population contre les menaces extérieures et intérieures et qui légitime l'action de l'Etat .

plusieurs raisons vont permettre cette transformations :


  • la loi de 1981 appelée loi de sécurité et liberté : marque une étape importante dans cette transformation . adoptée dans un contexte de crise éco et menace terroriste a poussé les gouvernants à renforcer les mesures de sécurité . cette loi souligne que la sécurité est une condition préalable à la liberté . cette loi va mettre en place des mesures de répression contre la violence , trafic de stupéfiants et va élargir les pouvoirs de police en matières de contrôle d'identité . cependant va être abrogée var fait l'objet des critiques pour ses mesures liberticides .
  • la loi de 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité ,affirme que la sécurité est non seulement un droit mais une condition préalable et nécessaire à l'exercice des libertés individuelle et collectives .
  • la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, celle de tous les jours. Ça fait référence à l’OP ----> La sécurité apparaît encore comme quelque chose d’englobant.


-traditionnellement la notion de sécurité englobait que des éléments matériels ( tranquillité , sécurité et salubrité publique ) .

-cependant cette notion s'est élargi avec l'EU sécuritaire pour inclure des éléments immatériels et moraux ( protection de la dignité humaine + protection psychologique qui réponde au sentiment d'insécurité de al population face aux menaces ) .


  • distinction entre sécurité intérieure et politique de défense s'est estompée en intégrant d'avantage la défense dans la sécurité nationale .
  • la réforme de code de défense en 2009 va également montrer cette tendance où la sécurité va primer sur la défense nationale avec l'intervention des ordres militaires dans des opérations civiles .


B)- La sécurité comme nouveau paradigme des libertés .


plusieurs raisons :


  • la sécurité est désormais perçue comme un fondement des libertés en particulier lors des EU où certains estiment que ces circonstances renforcent les libertés . ainsi , il ne faut pas opposer la liberté et sécurité car la sécurité ( physique et sociale ) est nécessaire pour exercer des libertés . tandis que les libertés garanties sont également essentielle pour assurer la sécurité .
  • une multiplication des législations sécuritaires souvent adoptées en réponse à des contexte émotionnels fortes et avec des procédures d'urgence.


ex : Loi 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui vise à encadrer certaines pratiques des renseignements. Notamment la pratique des boites noires.


ex : Loi du 22 mars 2016, permet aux agents de la SNCF et RATP, de procéder à des fouilles, palpations.


ex:  Loi 3 juin 2016, loi qui vise à renforcer les moyens des services de renseignement, en autorisant les perquisitions de nuit.


ex :  Loi 28 février 2017 relative à la sécurité publique, crée un nouveau délit, celui de la consultation habituelle des sites djihadistes.


ex : Loi 30 octobre 2017, renforçant la sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT), elle prend le relais de l’état d’urgence sécuritaire qui a pris fin le jour de la promulgation ( Elle reprend le dispositif des perquisitions administratives+> Reprise aussi de la fermeture administrative des lieux de culte, qui peut être prononcée au seul fin de lutte contre le terrorisme ) .


ex :  Loi août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi séparatisme), elle fait suite à l’assassinat de Samuel Paty. Loi qui va viser à garantir les principes de la République : liberté, égalité, fraternité, et principe de laïcité ( elle va incorporer dans le droit commun des outils de contrôles préventifs :  Par exemple, quand une association est agréée par l’Etat, cet agrément est soumis à une nouvelle condition qui est la signature d’un contrat d’engagement républicain, par lequel les associations s’engagent à respecter les principes de la République +  création de deux nouveaux délits : -> le délit de séparatisme : consiste à sanctionner une personne qui aurait proféré des menaces, ou intimidations, à l’encontre d’un agent public dans le but de se soustraire aux règles / infraction qui vise à lutter contre la haine sur les réseaux sociaux  ) .



C)-  Une transformation de l’action publique .


Cette notion de sécurité, elle vise non seulement à réprimer les atteintes à la sécurité, elle vise aussi, et de plus en plus, à les prévenir :


- Logique de répression quand l’infraction a été, ou est sur le point d’être commise.


- Logique de prévention, l’infraction n’a pas encore été commise, mais l’action publique cherche à anticiper cette commission de l’infraction, ce qu’on appelle le maintien de l’ordre public.


Principe : Toute ce qui touche la sécurité, notamment à travers le cadre des lois antiterroristes, et jusqu’à une date assez récente, ces législations faisaient appel à la répression. C’est-à-dire on est dans un logique pénale


Puis transformation de cette action publique : depuis l’état d’urgence sécuritaire on recourt de moins en moins au droit pénal mais de plus en plus au droit administratif. On n’est plus dans une logique exclusivement de répression, mais dans une logique de précaution pour éviter qu’il y ait des atteintes à la sécurité publique.


EX ➢ loi du 30 octobre 2017, SILT, on ne va pas enrichir le code pénal, mais enrichir le code de la sécurité intérieure qui concerne beaucoup moins le droit pénal, mais surtout la logique administrative. 


On peut faire une distinction entre cette logique répressive et préventive :


-L’action répressive c’est l’action de police judiciaire .

- L’action préventive c’est l’action de police administrative.


Or, de plus en plus, il y a un brouillage de cette distinction entre PA et PJ, et l’état d’urgence illustre parfaitement ce brouillage.


EX ➢ Dans le cadre de l’état d’urgence sécuritaire, les perquisitions administratives qui peuvent être autorisées par le préfet, ça se fait dans une logique de police administrative. Mais, en même temps, le dispositif de la perquisition relève du droit pénal qui relève normalement de la police judiciaire, décidée par le procureur.


EX : loi du 3 avril 1955, on a dit que cette loi prévoyait que tout manquement aux mesures administratives de l’état d’urgence pouvait être l’objet d’une sanction pénale. Donc on a pénalisé des manquements à des mesures administratives qui sont des mesures de préventions de maintien de l’ordre.


Vers la normalisation de l’exception ?

S’interroger de savoir si finalement ces différents états d’exception ne finissent pas Par devenir des états normaux ? Par transfigurer l’Etat de droit ?

En principe, un état d’urgence c’est un état d’exception, c’est une modalité de l’EDD qui va lui permettre de fonctionner face à une menace particulièrement grave, mais ces états d’urgence doivent être nécessairement temporaires, les plus courts possibles.


Dérogation : depuis 2015, on vit quasiment sans interruption sous état d’urgence.


Qu’entend-t-on par normalisation de l’état d’urgence ?

c’est l’opération par laquelle l’état d’urgence, en tant que régime exceptionnel, prend formellement fin et les pouvoirs dans lesquels il s’incarne s’intègre au droit commun .

L’état d’urgence comme contamination de l’Etat de droit

I - La dilution temporelle de l’état d’urgence .


Depuis 2015 on assiste à une prolongation indéfinie de l’état d’urgence et à une incorporation des états d’urgence dans le droit commun.


Il y a tout d’abord les prolongations indéfinies des états d’urgence : En principe, un état d’urgence est un outil qui permet de faire face à une menace grave. Lorsque cet événement disparaît l’état d’urgence doit disparaître avec lui. Or, depuis 2015, il y a toute une série de loi de prorogation des états d’urgence.


EX1 : L’état d’urgence sécuritaire qui a fait l’objet de 6 loi de prorogation entre le 20 novembre 2015 et le 11 juillet 2017. Et notamment, la prorogation de mai 2016 se fait en prévision de l’euro de football et non pour un motif de risques d’attentats. Celle de juillet 2016 proroge de 6 mois à cause de l’attentat de Nice.


EX2 : initié en mars 2020 et semble avoir été terminé en juillet 2022. Là aussi, il y a eu une multiplication des lois de prorogations avec l'instauration des régimes transitoires ( 13 au total ). Certains auteurs ont décrit cela comme une course sans fin entre l’épidémie et la loi.


Les états d’urgence transitoire : catégorie des états d’urgence ou état normal ?


La doctrine parle d’état d’urgence d’innomé, le défenseur des droits par d’un état d’urgence sanitaire qui ne dit pas son nom : ça relève à la fois de la norme et de l’exception :


  • la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, va créer un régime un peu nouveau : le déconfinement. Elle allège progressivement les mesures restrictives de libertés, avec quand même des restrictions qui vont demeurer comme la fermeture de certains lieux.
  • la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie du régime transitoire. Là encore, le pouvoir public se dote d’outils pour interdire certains rassemblements, fermeture d’établissement etc.. Seul le confinement ne peut plus être mis en place. 
  • Une autre loi encore, instaure un régime transitoire plus rigoureux comme les couvres feux, l’obligation de faire des tests de dépistage pour circuler, la présentation d’un pass sanitaire pour les rassemblements.
  • la loi de 30 juillet 2022, qui mettent fin au régime d’exception créée pour gérer la crise sanitaire. On est plus dans un régime d’exception ou transitoire, mais cette loi permet de donner au premier ministre des pouvoirs en matières sanitaires en dehors de tout régime d’exception ou d’état d’urgence sanitaire.


❖ L’autre brouillage temporel est dû au fait qu’on va progressivement codifier, incorporer l’état d’urgence dans le droit commun.


1)- sous l'état d'urgence sécuritaire.


la loi du 21 juillet 2016, prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste. Cette loi comporte deux parties, le Titre I porte sur l’état d’urgence et le Titre II sur le renforcement de la lutte antiterroriste. Cet objet différent entraîne cette loi à modifier plusieurs codes : CP, CPC, Code de la sécurité intérieure et à chaque fois on crée de nouveaux outils qu’on incorpore dans ces codes de droit commun.


> On codifie des mesures qui concernent l’état d’urgence dans des codes de droit commun. 


2)- sous l'état d'urgence sanitaire .

la loi du 23 mars 2020 a 2 objets : on modifie le CSP et on instaure l’état d’urgence. Cette loi elle était prévue de manière temporaire, mais on a modifié de manière pérenne le CSP. Et on a modifié la partie du CSP qui était relative aux menaces sanitaires graves, en permettant au ministre de la santé de prendre le relais une fois l’état d’urgence sanitaire terminé.



II - Le débat autour de la constitutionnalisation de l’état d’urgence .


Une partie de la doctrine constitutionnaliste a posé la question de savoir s’il ne faudrait pas inscrire dans la Constitution l’état d’urgence au côté d’autres états d’exception ? 


ce débat soulevé par les comités de réflexion en 1993 et 2007 a été ravivé après les attentats de 2015 lorsque le président Hollande a proposé une évolution constitutionnelle pour renforcer les pouvoirs de lutte contre le terrorisme . ----> un projet de loi visant à constitutionnaliser l'EU et à protéger les libertés a été proposé mais il n'a pas été adopté .


le débat se poursuit avec des arguments divers :


  • certains jugent la constitutionnalité inutile car déjà constitutionnalisé avec la JP du CC .
  • d'autres considèrent que c'est utile mais avec des précisions nécessaires sur des mesures gouvernementales .
  • Pour certains il y a un danger pour l’EDD à constitutionnaliser l’état d’urgence. Danger de confondre les dispositifs d’exception et la norme.



Cette dilution elle est liée à plusieurs choses : 


A)- L’inadaptation de l’état d’urgence aux « crises » actuelles.


premier argument : Le mot crise renvoie à quelque chose de temporaire normalement. Or, on peut se poser la question de savoir si le terrorisme et l’épidémie ne sont pas des menaces permanentes. Y a-t-il vraiment une adaptation de l’état d’urgence face à des événements qui ne sont pas temporaires ?


L’état d’urgence doit être mis en œuvre pour la durée la plus courte possible et non pour s’inscrire dans la durée. Une fois que la circonstance est maîtrisée on revient à la normal. -----> ce n'est pas le cas pour la crise sanitaire et sécuritaire .



deuxième argument : l’état d’urgence tel que nous le connaissons semble inadapté car le dispositif de l’état d’urgence doit être mis en œuvre quand il n’y a pas d’autres moyens de faire face au péril imminent. Or, certains juristes ont souligné le fait que les dispositifs normaux auraient suffit à prendre les mesures qui étaient rendues nécessaires par les deux états d’urgence.


EX : avant 2015, le Gouvernement disposait de tout un arsenal législatif lui permettant de faire face à la menace terroriste :


  • Ça commence en 1986, déjà dans cette loi, l’Etat français commence à se doter de tout un arsenal juridique (création du parquet national anti terroriste ; l’extension des procédures de GAV ) .
  • loi 15 novembre 2001, dans laquelle on étend les pouvoirs de police en matière de contrôles d’identité, de fouilles, de perquisitions.
  • loi 14 mars 2011, mesure de surveillance informatique, à l’étranger .


Donc : Le dispositif de l’état d’urgence est-il adapté alors qu’on dispose d’un arsenal juridique conséquent ? 


B - La dilution matérielle de l’état d’urgence dans le droit commun .


Chaque état d’exception qui a été appliqué en France, et en particulier les états d’urgence, va laisser des traces dans le système juridique de l’EDD.

---> la doctrine  relevé plusieurs impacts des mécanismes de l’exception dans le droit commun : 


  • L’effet de halo de l’état d’urgence : il y a une tendance à une sorte d’absorption, de débordement de l’état d’urgence vers d’autres politiques publiques. En principe, l’état d’urgence répond à un péril bien précis. Au fur à mesure de l’application de ces états d’urgence il y a une sorte de débordement de ces états d’exception pour affronter d’autres menaces que ceux initialement prévus. 


EX : l’état d’urgence sécuritaire. Ils se sont aperçus que beaucoup d’affaires concernées non pas des personnes qui avaient fait l’objet de mesure d’urgence, ou qui étaient soupçonnées d’infractions terroristes, mais que pas mal de ces mesures concernaient des personnes ou des groupes qui faisaient l’objet d’autres actions policières et à qui on reprochait une forme de radicalité politique.


  • L’effet cliquet de l’état d’urgence : l’état d’urgence va laisser des traces, il va y avoir une forme de sédimentation juridique qui va se mettre en place. A chaque fin d’état d’urgence, on ne reviendrait pas à la normale, et chaque état d’urgence laisserait dans le droit commun des traces permanentes. Ces traces ont peut les relever dans deux domaines :


- Dans un nouveau rapport de forces entre les pouvoirs publics au bénéfice du gouvernement sur l’action du Parlement, où le rôle apparaît en second.


- L’état d’urgence va contribuer à mettre en place de nouvelles techniques de gouvernement. Ce que la doctrine appelle la mise en place d’une société de la surveillance généralisée. 


  • L’effet de banalisation de l’état d’urgence dans le droit commun. Certaines AAI, comme le défenseur des droits ou la commission nationale des DH ont pu parler d’état d’urgence permanent.


EX : L’état d’urgence sécuritaire qui a pris fin en 2017 : la veille de son extinction une loi est promulguée, loi du 1er novembre 2017 sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) --->  loi va pérenniser certains outils de l’état d’urgence sécuritaire : les contrôles d’identité sans motif particulier ; la possibilité d’instaurer des couvre-feux ; la possibilité de recourir à des perquisitions ; à des assignations à résidence etc



 Les transformations de l’Etat de droit suite à l’avènement de l’état d’urgence matériel 

I: Une transformation de paradigme de l’Etat de droit .


A - La consécration normative de la sécurité .


C’est le passage du droit à la sûreté au droit à la sécurité. Les textes fondamentaux font une différence entre les deux termes.

A retenir :

Distinction entre les deux notions :


La sûreté : le droit à la sûreté figure à l’art. 2 DDHC. C’est la protection de l’individu contre les peines privatives de liberté qui seraient arbitraires . il fait appel au principe de la légalité des délits et des peines ----> Dans la DDHC la sûreté désigne bien cette garantie de la liberté individuelle, de cette protection contre l’emprisonnement, contre l’arrestation arbitraire.


La sécurité : chose moins précise. Pour remonter aux origines de la sécurité il faut remonter à Hobbes, la théorie du contrat social : l’homme vit dans un état de nature qui est dangereux, donc c’est un sentiment de besoin de sécurité physique, matériel, qui va pousser les hommes à s’associer dans un contrat social et à abdiquer de toutes leurs libertés, de tous leurs pouvoirs pour les remettre entre les mains d’un souverain (qu’on peut appeler aujourd’hui l’Etat). Ce besoin de sécurité va justifier, légitimer, le pouvoir absolu de ce souverain, de l’Etat.


----> la sécurité c’est la situation dans laquelle les personnes et les biens sont à l’abris des menaces qui pourraient peser sur eux On peut retrouver dans l’art. 12 DDHC .


  • droit à la sureté : lié à la protection individuelle contre l'arbitraire de l'Etat . il établit des protections juridiques qui empêchent l'Etat d'interférer dans la vie privée des citoyens sans justification légale .
  • Droit à la sécurité : se concentre sur protection de la population contre les menaces extérieures et intérieures et qui légitime l'action de l'Etat .

plusieurs raisons vont permettre cette transformations :


  • la loi de 1981 appelée loi de sécurité et liberté : marque une étape importante dans cette transformation . adoptée dans un contexte de crise éco et menace terroriste a poussé les gouvernants à renforcer les mesures de sécurité . cette loi souligne que la sécurité est une condition préalable à la liberté . cette loi va mettre en place des mesures de répression contre la violence , trafic de stupéfiants et va élargir les pouvoirs de police en matières de contrôle d'identité . cependant va être abrogée var fait l'objet des critiques pour ses mesures liberticides .
  • la loi de 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité ,affirme que la sécurité est non seulement un droit mais une condition préalable et nécessaire à l'exercice des libertés individuelle et collectives .
  • la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, celle de tous les jours. Ça fait référence à l’OP ----> La sécurité apparaît encore comme quelque chose d’englobant.


-traditionnellement la notion de sécurité englobait que des éléments matériels ( tranquillité , sécurité et salubrité publique ) .

-cependant cette notion s'est élargi avec l'EU sécuritaire pour inclure des éléments immatériels et moraux ( protection de la dignité humaine + protection psychologique qui réponde au sentiment d'insécurité de al population face aux menaces ) .


  • distinction entre sécurité intérieure et politique de défense s'est estompée en intégrant d'avantage la défense dans la sécurité nationale .
  • la réforme de code de défense en 2009 va également montrer cette tendance où la sécurité va primer sur la défense nationale avec l'intervention des ordres militaires dans des opérations civiles .


B)- La sécurité comme nouveau paradigme des libertés .


plusieurs raisons :


  • la sécurité est désormais perçue comme un fondement des libertés en particulier lors des EU où certains estiment que ces circonstances renforcent les libertés . ainsi , il ne faut pas opposer la liberté et sécurité car la sécurité ( physique et sociale ) est nécessaire pour exercer des libertés . tandis que les libertés garanties sont également essentielle pour assurer la sécurité .
  • une multiplication des législations sécuritaires souvent adoptées en réponse à des contexte émotionnels fortes et avec des procédures d'urgence.


ex : Loi 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui vise à encadrer certaines pratiques des renseignements. Notamment la pratique des boites noires.


ex : Loi du 22 mars 2016, permet aux agents de la SNCF et RATP, de procéder à des fouilles, palpations.


ex:  Loi 3 juin 2016, loi qui vise à renforcer les moyens des services de renseignement, en autorisant les perquisitions de nuit.


ex :  Loi 28 février 2017 relative à la sécurité publique, crée un nouveau délit, celui de la consultation habituelle des sites djihadistes.


ex : Loi 30 octobre 2017, renforçant la sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT), elle prend le relais de l’état d’urgence sécuritaire qui a pris fin le jour de la promulgation ( Elle reprend le dispositif des perquisitions administratives+> Reprise aussi de la fermeture administrative des lieux de culte, qui peut être prononcée au seul fin de lutte contre le terrorisme ) .


ex :  Loi août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi séparatisme), elle fait suite à l’assassinat de Samuel Paty. Loi qui va viser à garantir les principes de la République : liberté, égalité, fraternité, et principe de laïcité ( elle va incorporer dans le droit commun des outils de contrôles préventifs :  Par exemple, quand une association est agréée par l’Etat, cet agrément est soumis à une nouvelle condition qui est la signature d’un contrat d’engagement républicain, par lequel les associations s’engagent à respecter les principes de la République +  création de deux nouveaux délits : -> le délit de séparatisme : consiste à sanctionner une personne qui aurait proféré des menaces, ou intimidations, à l’encontre d’un agent public dans le but de se soustraire aux règles / infraction qui vise à lutter contre la haine sur les réseaux sociaux  ) .



C)-  Une transformation de l’action publique .


Cette notion de sécurité, elle vise non seulement à réprimer les atteintes à la sécurité, elle vise aussi, et de plus en plus, à les prévenir :


- Logique de répression quand l’infraction a été, ou est sur le point d’être commise.


- Logique de prévention, l’infraction n’a pas encore été commise, mais l’action publique cherche à anticiper cette commission de l’infraction, ce qu’on appelle le maintien de l’ordre public.


Principe : Toute ce qui touche la sécurité, notamment à travers le cadre des lois antiterroristes, et jusqu’à une date assez récente, ces législations faisaient appel à la répression. C’est-à-dire on est dans un logique pénale


Puis transformation de cette action publique : depuis l’état d’urgence sécuritaire on recourt de moins en moins au droit pénal mais de plus en plus au droit administratif. On n’est plus dans une logique exclusivement de répression, mais dans une logique de précaution pour éviter qu’il y ait des atteintes à la sécurité publique.


EX ➢ loi du 30 octobre 2017, SILT, on ne va pas enrichir le code pénal, mais enrichir le code de la sécurité intérieure qui concerne beaucoup moins le droit pénal, mais surtout la logique administrative. 


On peut faire une distinction entre cette logique répressive et préventive :


-L’action répressive c’est l’action de police judiciaire .

- L’action préventive c’est l’action de police administrative.


Or, de plus en plus, il y a un brouillage de cette distinction entre PA et PJ, et l’état d’urgence illustre parfaitement ce brouillage.


EX ➢ Dans le cadre de l’état d’urgence sécuritaire, les perquisitions administratives qui peuvent être autorisées par le préfet, ça se fait dans une logique de police administrative. Mais, en même temps, le dispositif de la perquisition relève du droit pénal qui relève normalement de la police judiciaire, décidée par le procureur.


EX : loi du 3 avril 1955, on a dit que cette loi prévoyait que tout manquement aux mesures administratives de l’état d’urgence pouvait être l’objet d’une sanction pénale. Donc on a pénalisé des manquements à des mesures administratives qui sont des mesures de préventions de maintien de l’ordre.

Back

Actions

Actions