1. Histoire du théâtre et hybridation des arts
Première phase : Antiquité - Renaissance
- Rencontre ponctuelle entre différents arts scéniques (ex : fêtes dionysiaques en Grèce antique, comédia dell'arte).
- Respect des disciplines artistiques distinctes.
Ouvrages théoriques clés :
- Poétique d'Aristote : notion de mimésis (imitation des personnages en action).
- Art poétique d'Horace : comparaison entre théâtre et peinture.
Trois modalités d'interactions entre les arts :
- Comparaison théorique et classement des arts.
- Cohabitation (ex : fêtes grecques).
- Forme d'accueil de différents arts.
Deuxième phase : 17e - 19e siècle
- Développement de la comédie-ballet : fusion théâtre, danse, musique (Molière & Lully, Les Fâcheux 1661, Le Bourgeois gentilhomme).
- 18e siècle : effacement progressif des frontières entre opéra et théâtre.
- 19e siècle : notion d'œuvre d'art total (Gesamtkunstwerk) développée par Wagner (L'Art et la Révolution et L'Œuvre d'art de l'avenir 1849).
- Synthèse théâtre, musique, peinture, sculpture, architecture.
Troisième phase : 20e siècle - aujourd'hui
- Passage de l'emprunt à l'hybridation des arts.
- Hans-Thies Lehmann : théâtre post-dramatique (moins centré sur le texte, plus sur la performance).
- Dès les années 1960 : fusion des disciplines artistiques dans le théâtre contemporain.
- Technologies et multimédias intégrés aux mises en scène.
2. Théâtre et Peinture
- Influence de la peinture sur la composition théâtrale :
- Horace (Art poétique) : comparaison théâtre/peinture (ut pictura poesis).
- Diderot : transposition entre scène et peinture (Les Trois Unités).
- 19e siècle : collaboration entre peintres et dramaturges (André Antoine, Maurice Maeterlinck, Paul Fort, Lugné-Poe).
- 20e siècle : intégration des peintres à la scénographie :
- Jean Jourdheuil, Bernard Sobel, Klaus Michael Grüber.
- Gilles Aillaud : décor comme énigme, créant du silence et de l'incompréhension volontaire.
- Figuration narrative (Eduardo Arroyo) : juxtaposition d'images et ruptures d'échelles en scénographie.
Exemples :
- Bérénice (1984, Michael Grüber, Eduardo Arroyo) : coupole énigmatique en scène.
- Pelléas et Mélisande (2008, Anish Kapoor & Pierre Audi) : sculpture rouge, jeu de lumières.
3. Théâtre et Performance
- Développement à partir des années 1960.
- Plasticien.ne.s sur scène : intégration des arts visuels au spectacle vivant.
- Participation active du spectateur (ex : Marina Abramovic, Rhythm 0).
- Performance et interaction avec le public.
- Sortie du cadre traditionnel du tableau (Action Painting de Jackson Pollock, performances de Niki de Saint Phalle, Yves Klein).
- Corps et temporalité comme éléments centraux de l'art performatif.
Exemples :
- Mount Olympus (2016, Jan Fabre) : spectacle de 24h, scènes performatives et réalité physique (souffrance réelle, corps en action).
- The Singing Sculpture (1969, Gilbert & George) : croisement entre peinture et performance.
- Tirs (1961, Niki de Saint Phalle) : destruction/création aléatoire.
- Anthropométries (1960, Yves Klein) : usage du corps féminin comme pinceau.
Concepts-clés :
- Notion de performativité (Goffman, Austin) : l'action définit l'identité.
- Théâtre et performance ≈ effacement des frontières entre art et réel.
- Extension de la performance à d'autres disciplines (linguistique, philosophie, sociologie).
Performance theory :
1. Qu'est-ce que la performance ?
La performance ne se limite pas à l'esthétique : elle concerne tous les objets de la vie sociale qui impliquent un acte accompli sous le regard d’un public.
Richard Schechner : un théoricien majeur
- Approche anthropologique et sociologique de la performance.
- La performance est une catégorie sociale regroupant divers phénomènes (rituels, jeux, théâtre, sports, divertissements, comportements quotidiens).
- Critère essentiel : l’existence de spectateurs.
Deux grandes distinctions :
- Performance en général : tout acte mis en scène devant un public.
- Performance esthétique : inclut une dimension artistique et sensible.
2. Performance et Body Art
- Le Body Art place le corps au centre de l’œuvre (ex : Marina Abramović).
- Refus de catégorisation stricte.
- Roselee Goldberg (L’art en action) : insiste sur l’aspect vivant et interdisciplinaire de la performance.
- La performance n’est pas issue uniquement du théâtre.
- Partage des caractéristiques avec le jeu ("play" et "game"), le sport, les rituels.
Catégories de performance :
- Danse
- Art
- Théâtre
- Performance Art
- Body Art
- Social Art
- Art conceptuel
Le Body Art est une sous-catégorie de la Performance Art qui met en avant le corps comme sujet, objet et instrument de l’œuvre.
3. Trois perspectives sur l'origine de la performance (Thomas McEvilley)
- Contrepoint au réalisme dans le théâtre.
- Dérive de la peinture (post-action painting de Jackson Pollock).
- Inspirée des pratiques corporelles des chamans, yogis et thérapeutes alternatifs.
Deux types de performances (Amanda Googan)
- Performance en direct (live performance).
- Performance enregistrée (question de la re-présentation).
4. La Performance Theory de Schechner
Quatre types d’actions
- Être (being) → se comporter.
- Faire (doing) → agir.
- Montrer le faire (showing doing) → performer.
- Expliquer cette action (explaining showing doing) → analyse par chercheurs/critique.
- Pas toute action quotidienne = performance.
- La performance met en scène une action pour la rendre visible.
- Idée de restauration des comportements : toute performance rejoue et recontextualise des actions préexistantes.
5. Performance Artistique et Performativité (Josette Féral)
Concepts clés :
- Performativité : action en elle-même (cf. John Austin et les verbes performatifs).
- Théâtralité : imitation d’un personnage ou d’un monde fictif.
- Différence entre performance et théâtralité :
- Théâtre = on fait semblant.
- Performance = on fait vraiment.
Performativité vs. Théâtralité
6. Happening et Fluxus
- Alain Kaprow (années 60) :
- Créateur du Happening, art proche de la vie.
- Brouille la frontière entre art et quotidien.
- Expérience participative et unique.
- Mouvement Fluxus :
- Actions brèves, sans contenu narratif figé.
- Expérience personnelle et autosuffisante.
- Le spectateur perd son statut passif.