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DESCRIPTION

Une cible d’apprentissage est un énoncé qui spécifie ce que l’apprenant (et non le formateur) sera capable de faire à la fin de la formation. Dans le cas de formations ayant une certaine envergure (cours de plusieurs heures, programme, etc.), on peut compter plusieurs cibles d’apprentissage, souvent structurées en plusieurs niveaux. Par exemple, à un premier niveau, on peut parler du

but de la formation

(généralement défini à la phase d’analyse du projet de design pédagogique); au deuxième niveau, ce but peut être décomposé en plusieurs

objectifs généraux

d’apprentissage; puis chacun des objectifs généraux peut ensuite être décomposé en objectifs plus

spécifiques

. On retrouve d’autres appellations pour désigner l’un ou l’autre des niveaux de cibles d’apprentissage :

compétences

,

objectif opératoire

,

objectif opérationnel

,

objectif intermédiaire

, etc. C’est au concepteur de décider du nombre de niveaux de cibles à préciser (et des appellations données à chacun de ces niveaux), en tenant compte de l’ampleur et de la complexité de la formation à développer, du cadre dans lequel il travaille et de l’approche théorique dans lequel s’inscrit sa vision de l’apprentissage.

L’objectif comme cible d’apprentissage


Dans une approche béhavioriste de l’apprentissage, les cibles d’apprentissage sont souvent exprimées sous forme d’une liste d’objectifs définis en termes comportementaux. Selon les règles de formulation d’objectifs pédagogiques formulées par Mager dès les années 70 (Mager, 1972), un énoncé d’objectif doit spécifier les trois éléments suivants : (1) le

comportement observable

attendu de l’apprenant, (2) les

circonstances

ou les

conditions

précises dans lesquelles ce comportement devra être démontré (par exemple, limite de temps, utilisation d’outils ou documents, type d’aide fournie, lieu, etc.), et (3) le

degré d’atteinte

attendu de ce comportement (par exemple, nombre de réponses correctes, nombre d’éléments à démontrer, nommer, classifier, etc.; pourcentage de réussite attendu, etc.). À ces trois éléments de base, ajoutons la spécification de la ou des

connaissances

sur lesquelles s’applique le comportement attendu.

Ainsi, un énoncé tel que « Comprendre le cycle de l’eau » n’est pas une bonne formulation d’un objectif d’apprentissage au sens où l’entendent les béhavioristes : «comprendre» n’est pas un comportement observable et l’énoncé ne fournit aucune information sur les circonstances et sur le degré d’atteinte du comportement attendu. Un énoncé tel que «Nommer et expliquer toutes les étapes du cycle de l’eau dans un essai écrit d’une page, rédigé sans recours à de la documentation» répondrait davantage à la définition d’un objectif selon eux :

Comportement observable


Nommer et expliquer

Connaissances


les étapes du cycle de l’eau

Circonstances ou conditions


• dans un essai écrit d’une page

• rédigé sans recours à de la documentation

Degré d’atteinte


toutes (les étapes du cycle de l’eau)1

1


1. Le terme «toutes» signifie que l’apprenant devra toutes les nommer pour atteindre l’objectif visé. Un autre objectif pourrait spécifier « les étapes les plus importantes » ou encore « au moins trois étapes du cycle de l’eau ». Il serait même possible de spécifier une note minimale de passage (80 %), mais ce degré de précision n’est pas toujours nécessaire, voire souhaitable.

2


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Cette approche de la définition des cibles d’apprentissage a cependant été remise en ques- tion à partir du milieu des années 80, avec l’émergence de nouvelles théories de l’appren- tissage fondées sur le cognitivisme, le constructivisme et le contextualisme (appelé aussi paradigme de l’apprentissage

situé

). Les principales critiques faites à la manière béhavio- riste de formuler des cibles d’apprentissage tiennent au fait qu’elle traduit une approche morcelée de l’enseignement et de l’apprentissage et qu’elle fait perdre de vue la cible principale qui est de rendre l’apprenant

compétent

dans une situation donnée, que ce soit en milieu scolaire, en milieu professionnel ou dans sa vie quotidienne. L’approche de formation par compétences est aujourd’hui nettement dominante, et ce, dans tous les milieux de formation.

La compétence comme cible d’apprentissage


La notion de

compétence

donne lieu à de nombreux débats dans les écrits scientifiques, mais on décèle néanmoins une certaine uniformité dans la manière de la définir, comme en témoignent ces quelques définitions :

Une personne compétente est une personne qui sait agir avec pertinence dans un contexte particulier, en choisissant et en mobilisant un double équipement de ressources : ressources personnelles (connaissances, savoir-faire, qualités, culture, ressources émotionnelles...) et ressources de réseaux (banques de données, réseaux documentaires, réseaux d’exper- tise, etc.). Savoir agir avec pertinence, cela suppose d’être capable de réaliser un ensemble d’activités selon certains critères souhaitables (Le Boterf, 1999, p. 38).


Une compétence est une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capa- cité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes (Perrenoud, dans Brossard, 1999, p. 16).


Une compétence est un savoir-agir complexe qui fait suite à l’intégration, à la mobilisation et à l’agencement d’un ensemble de capacités et d’habiletés (pouvant être d’ordre cognitif, affectif, psychomoteur et social) et de connaissances (connaissances déclaratives) utilisées efficacement, dans des situations ayant un caractère commun. (Lasnier, 2000, p. 481).


La compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations-problèmes (Roegiers, dans Scallon, 2004, p. 105).


La compétence est la mise en œuvre par une personne, dans une situation donnée et dans un contexte déterminé, d’un ensemble diversifié, mais coordonné, de ressources. Cette mise en œuvre repose sur le choix, la mobilisation et l’organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu’elles permettent pour un traitement réussi de cette situation (Jonnaert, Masciotra, Boufrahi, et Barrette, 2005, p. 6).


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

3


(...) savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de res- sources (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001, p. 4).


Une compétence se définit comme un système de connaissances, conceptuelles et procé- durales, organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l’intention d’une famille de situations, l’identification d’une tâche-problème et sa résolution par une action efficace (Gillet, 1991, p. 69).


(...) une compétence est conçue comme un réseau intégré et fonctionnel constitué de com- posantes cognitives, affectives, sociales, sensorimotrices, susceptible d’être mobilisé en actions finalisées face à une famille de situations (Allal, 1999, p. 81).


À partir de ces définitions, il est possible de dégager des constantes, en reprenant certains termes récurrents :

Un savoir-agir

  1. : c’est donc dans l’action qu’une compétence se définit et non unique- ment dans un savoir abstrait. Certains, comme Le Boterf (1999), parlent d’un « savoir- mobiliser» puisque cette action prend la forme d’une mobilisation d’un ensemble de ressources de manière intégrée, appropriée et intentionnelle dans une situation donnée. La notion de mobilisation implique une vision systémique de l’action du sujet (Lasnier, 2000). Il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition ou addition d’actions isolées et mises bout à bout. Le Bortef, (1999) qualifie ainsi la compétence de «savoir com- binatoire », parce qu’elle est « une séquence d’actions où se combinent de multiples savoir-faire» (p. 344). Lasnier (2000) définit, quant à lui, la compétence comme une sorte de «méga-connaissance procédurale», car elle intègre beaucoup d’éléments permettant de réaliser des tâches complexes.

Un savoir contextualisé :

  1. La compétence est « située » ou « contextualisée ». Elle se déploie dans un contexte donné. Les auteurs utilisent différents autres termes pour faire référence à ce concept de contexte : situation, situation-problème, problème, tâche-problème, tâche professionnelle... Une caractéristique importante de ce con- texte est qu’il est

complexe

  1. . La compétence « se manifeste dans des contextes d’une certaine complexité, contrairement à un savoir-faire qu’on appliquerait isolément» (MÉQ, 2001, p. 5). La personne compétente mettra donc en œuvre une combinaison judicieuse et adéquate de tâches qui est spécifique à chaque situation. Fait à noter, la personne compétente peut non seulement agir adéquatement dans cette situation spécifique, mais également dans toute une «famille de situations» partageant un caractère commun avec celle-ci (Lasnier, 2000; Perrenoud, 1998; Scallon, 2004). Pastré (1999) souligne, à cet effet, que plus une personne a réussi à trouver de l’invariance à un haut niveau d’abstraction entre les situations, «plus sa capacité d’adaptation aux variations des situations va s’accroître» (p. 6). Ainsi, une personne compétente non seulement reconnaît la similarité entre diverses situations, mais elle sait également s’adapter aux nuances de chaque situation appartenant à une famille de situations semblables. Elle peut aussi développer des solutions originales lorsque surgissent des événements inhabituels dans ces situations. Autrement dit, la combinaison des ressources sera appropriée à chaque situation. Ainsi, «la compétence dépasse le niveau du réflexe ou de l’automatisme (...) (MÉQ, 2001, p. 5). Pour Masciotra, Jon- naert et Daviau (cités dans Joannert

et al

., 2005), la compétence est «l’intelligence des situations».

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Des ressources mobilisées

: La plupart des auteurs distinguent deux types de ressources que la personne compétente peut mobiliser dans une situation donnée, soit des ressources

internes

et des ressources

externes

. Les ressources

internes

  1. incluent l’ensemble des connaissances, expériences, habiletés, intérêts, attitudes, etc., de la personne. Il s’agit de ressources personnelles (Le Bortef, 1994). Elles incluent tout autant ce que certains appellent les savoirs (connaissances déclaratives ou conceptuelles), les savoir-faire (connaissances procédurales), les savoirs stratégiques (connaissances conditionnelles). Ces savoirs ou connaissances ne relèvent pas uniquement du domaine cognitif, mais aussi du domaine affectif, du domaine social et du domaine moteur. Ainsi, une compétence repose sur l’utilisation de ces différents types de savoirs, mais elle

n’est pas

ces savoirs, qui sont plutôt vus comme étant des

ressources

  1. pour l’individu compétent. Comme l’écrit Perrenoud (1998), «posséder des connaissances ou des capacités ne signifie pas être compétent. On peut connaître des techniques ou des règles de gestion comptable et ne pas savoir les appliquer au moment opportun. On peut connaître le droit commercial et mal rédiger des contrats» (p.16). Quant aux ressources

externes

  1. , elles peuvent être physiques (documents, outils, machines, lieux, etc.), humaines (pairs, formateurs, experts, etc.) ou temporelles. Le Boterf (1994) les décrit pour sa part comme étant des « réseaux de ressources » : banques de données, réseaux documentaires, réseaux d’expertise, etc.

Un savoir se manifeste dans une performance

  1. : La performance est la manifestation de la compétence dans une situation donnée et non la compétence elle-même. Différentes personnes compétentes pourront avoir des performances différentes mais tout aussi efficaces dans une situation donnée. Il y a donc plusieurs façons d’être compétent dans une même situation (Le Bortef, 1999). Cependant, l’action performante est une action réussie, efficace et efficiente. Il s’agit, pour la personne, d’agir avec pertinence (Le Bortef, 1999), à bon escient (Perrenoud, dans Brossard, 1999), en fonction du besoin et de la spécificité de la tâche (Lasnier, 2000), ce qui peut signifier, dans certains cas, à temps et au moment opportun. Comme le souligne Allal, 1999), il peut néanmoins arriver que, dans certaines circonstances, une personne compétente ne soit pas en mesure de faire montre de la performance recherchée. Par exemple, l’enseignant hautement compétent en animation pédagogique peut parfois «bâcler» la mise en œuvre d’une situation d’enseignement/apprentissage, faute d’avoir eu le temps de la préparer ou à cause de problèmes affectifs ou de problèmes de santé. Il n’en reste pas moins compétent.

Malgré ces précisions, lorsque vient le temps, pour le concepteur, de formuler les cibles d’apprentissage d’une activité ou d’un programme de formation, il n’est pas évident d’éta- blir ce qui distingue un «objectif d’apprentissage» et une «compétence». On peut, en ef- fet, penser qu’une compétence est une sorte d’objectif global de très haut niveau, appelé parfois « objectif terminal d’intégration ». Il faut toutefois distinguer les deux notions, esti- ment Joannert

et al.

(2005) :

(...) nous constatons une confusion fréquente, entre «objectif terminal d’intégration» et «compétence». Ces deux notions sont certes complémentaires, mais différentes. Pour Roe- giers (1997),

l’objectif terminal d’intégration

vise l’articulation dans une situation complexe de l’ensemble des apprentissages réalisés au cours d’une année scolaire ou d’une période importante d’un cycle de formation. Il met en jeu les acquis des activités antérieures et s’exerce en les articulant et en les intégrant dans une situation que les auteurs qualifient de complexe (De Ketele

et al

., 1989; Roegiers, 1997). Si cette notion est intéressante et permet une organisation cohérente des acquis des différents apprentissages d’une personne, elle

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

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ne peut cependant être confondue avec la compétence. Une compétence a bien sûr une fonction intégratrice des ressources qu’elle mobilise, mais seulement à un niveau «local», et dans une situation et un contexte déterminés. Même si, après adaptations, une com- pétence peut être utilisée par une même personne dans plusieurs situations d’une même classe, elle n’a cependant pas ce caractère global de l’objectif terminal d’intégration. Ce dernier est beaucoup plus vaste et devrait au terme d’une formation permettre l’intégration deplusieurscompétences.L’objectifterminald’intégrationinclutdescompétenceset,ence sens, est plus proche de la notion de projet intégrateur que de la notion de compétence. En effet, un projet intégrateur, tout comme un objectif terminal d’intégration, vise la synthèse de toute une formation (Joannert

et al

., 2005, p. 8).

Nombre d’auteurs estiment cependant que les compétences se développent aussi sur une longue durée. Certains situent ce développement à l’échelle d’un programme d’études complet. Selon cette perspective, des formations de quelques heures sur un sujet précis pourraient ne pas viser le développement d’une compétence particulière. Les cibles d’ap- prentissage de ces formations pourraient alors être formulées sous la forme d’objectifs, comme ils le sont traditionnellement dans l’optique béhavioriste. Rappelons l’exemple cité plus haut où il s’agirait ici pour le sujet de simplement apprendre les différentes étapes du cycle de l’eau : « Nommer et expliquer toutes les étapes du cycle de l’eau dans un essai écrit d’une page, rédigé sans recours à de la documentation».

Cependant, les activités de formation des adultes, si courtes soient-elles, visent généra- lement des connaissances procédurales qui peuvent être considérées, à notre avis, comme des compétences, celles-ci pouvant être plus ou moins complexes : faire des photocopies à l’aide d’un nouveau photocopieur intégrant des fonctions numériques, rédiger un rapport d’impôt, prendre des photographies avec un appareil photographique numérique, faire une pizza, remplacer un pneu crevé sur un vélo, acheter une maison, produire un album photo électronique, etc. Bien que moins complexes que d’autres compétences telles que négocier un contrat ou gérer un projet de développement d’un matériel éducatif multimédia, elles n’en demeurent pas moins des compétences : elles exigent le recours à des ressources internes et externes variées et se manifestent dans des familles de situations semblables.

Aussi, dans la plupart des cas, les cibles d’apprentissage des situations de formation d’adultes peuvent être formulées sous forme d’énoncés de compétences. Crevier (2002) suggère de ne pas viser plus d’une compétence dans un «cours». Cette façon de voir permet de cibler la compétence la plus générale visée par la formation, peu importe son ampleur. Un cours de 3 heures visera une compétence plus spécifique alors qu’un cours de 135 heures visera une compétence plus générale qui implique le développement de sous-compétences. Par ailleurs, on admettra facilement que plusieurs cours peuvent viser le développement d’une même compétence et que cela s’avèrera même nécessaire dans certains cas pour permettre à la personne d’atteindre un niveau de performance maximal dans le déploiement de cette compétence dans différentes situations.

BUT


La formulation des cibles d’apprentissage d’une formation est utile tant au concepteur qu’au formateur et aux apprenants. Pour le concepteur, la formulation des objectifs ou compétences visées devrait l’amener non seulement à mettre l’accent, tout au long du tra- vail de conception de la formation, sur ce que les apprenants doivent apprendre plutôt que

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

ce que le formateur doit enseigner, mais également à choisir des stratégies pédagogiques, des médias d’apprentissage et des stratégies d’évaluation d’apprentissage appropriés selon les objectifs ou selon les compétences visées. Cela lui permet également de viser le «bon niveau» d’expertise à développer chez les apprenants. En effet, dans une formation, on peut viser un niveau de simple «familiarisation» à un domaine alors que, dans une autre, on visera le niveau «maîtrise» ou le niveau «expert».

Les énoncés d’objectifs ou de compétences visées servent également d’outil de commu- nication pour le formateur. En effet, il peut informer les apprenants de ce qui est attendu d’eux à la fin de la formation. Les apprenants, quant à eux, trouveront utile de prendre connaissance des cibles d’apprentissage visées dans la formation de manière à ajuster leurs attentes ainsi qu’à construire leurs connaissances et se préparer à l’évaluation de leurs apprentissages en fonction de ceux-ci. Ainsi, on peut dire qu’en quelque sorte, cette information facilite leur apprentissage (Cantor, 2001). Plutôt que de s’évertuer à deviner ce qui est attendu d’eux, les apprenants peuvent situer les activités réalisées au cours de la formation dans un cadre plus général orienté vers l’atteinte d’objectifs ou le développe- ment de compétences bien ciblées.

PROCÉDURE


Puisque l’approche de formation par compétences reflète les découvertes scientifiques les plus récentes sur l’apprentissage, la cognition et l’enseignement et qu’elle domine nette- ment dans les milieux de formation (tant dans les milieux scolaires que dans l’entreprise), nous vous suggérons d’adopter cette perspective pour spécifier les cibles d’apprentissage. Nous signalons toutefois que, si la formation à concevoir ne vise que des connaissances conceptuelles, sans but d’intégration de ces connaissances dans des situations d’usage, les cibles d’apprentissage pourront alors être formulées sous forme d’objectifs, à la ma- nière proposée par Mager (1972).

L’approche proposée par Paquette (2002) et Crevier (2002) pour spécifier les compétences nous apparaît intéressante parce que relativement facile à opérationnaliser. Cette procé- dure s’applique dans toute situation impliquant des connaissances procédurales. Nous en présentons une version simplifiée et adaptée dans les paragraphes qui suivent.

Si une spécification des contenus a déjà été faite au moyen de la technique de modéli- sation des connaissances (étape précédente de ce cours), le travail de spécification de plusieurs éléments de la ou des compétences visées est déjà bien amorcé. Ce graphe pré- cise, en effet, les connaissances conceptuelles (concepts), procédurales (procédures) et stratégiques (principes) visées dans la formation, autrement dit les

ressources internes

qui devront être mobilisées par la personne compétente. Certaines

ressources externes

peuvent également être spécifiées dans ce graphe, car, d’une certaine manière, l’apprenant doit en connaître l’existence et en reconnaître l’utilité pour le déploiement de la compé- tence visée : c’est pourquoi elles peuvent apparaître en tant que « connaissances » dans le modèle de connaissances, bien qu’ils puissent s’agir d’objets physiques concrets.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

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Prenons un exemple afin d’illustrer la procédure à suivre pour formuler un énoncé de com- pétences. La figure 1 présente l’exemple d’un modèle de connaissances pour une forma- tion d’une demi-journée portant sur la récupération des déchets non organiques.

FIGURE 1

Exemple d’un modèle de connaissances d’une formation portant sur la récupération des déchets domestiques non organiques.

Règles municipales en matière de récupération des déchets

I/P R

Reconnaître l'importance et les avantages de la récupération des déchets

C

Récupérer des déchets domestiques non organiques

I/P C

C

I/P

Disposer du contenant à récupération rempli

Se procurer un contenant à récupération

C P

C

Nettoyer les déchets récupérables

I/P

Principes de sélection des déchets récupérables

Sélectionner les déchets récupérables

C

Contenant à récupération

RRPP Placer les déchets dans

R

Déchets domestiques envoyés à la récupération

R

I/P

S

I/P

Règles de disposition du contenant à récupération

Au besoin

Règles de nettoyage des déchets récupérables

le contenant à récupération

Déchets non organiques

SR

Déchets non organiques récupérables

Déchets non organiques non récupérables

Règles de placement des déchets dans le contenant de récupération

Ressources des services municipaux

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Il s’agit maintenant de formuler un ou plusieurs énoncés de compétences à partir de ce graphe. La procédure à suivre sera décrite selon les étapes suivantes :

Identifier la compétence et le ou les niveaux d’habiletés visées dans la compétence;

Identifier la famille de situations dans lesquelles la compétence devra être démontrée;

Identifier le niveau de performance attendu lors du déploiement de la compétence;

Identifier les ressources internes et externes qui devront être mobilisées dans le déploiement de la compétence, et, pour les ressources internes de type procédural, le niveau de l’habileté visé;

Formuler les objectifs d’apprentissage visés (certains les appellent des «sous-compé- tences» ou des «éléments de compétence»);

  1. Identifier les critères d’évaluation de l’atteinte des objectifs;
  2. Nous proposons de regrouper les résultats de ces étapes dans un tableau, tel que celui apparaissant à l’annexe2. Si plusieurs compétences sont visées dans une formation, on produira plus d’un tableau.

Avant de prendre connaissance de la procédure de formulation de l’énoncé d’une compé- tence telle que celle présentée dans le tableau de l’annexe, notons que des allers-retours sont possibles entre l’activité de spécification du contenu (c’est-à-dire celle de l’élaboration du modèle de connaissances de la formation) et l’activité d’énonciation de la ou des com- pétences visées. Il est fort possible qu’en formulant l’énoncé de compétence, le concepteur se rende compte qu’il a oublié de spécifier certaines connaissances (ressources internes) nécessaires au déploiement de cette compétence. À l’inverse, il peut aussi se rendre compte que certaines connaissances qu’il croyait important d’aborder dans la formation ne sont pas vraiment utiles pour déployer la compétence. Il s’agit donc d’un processus itératif très utile pour distinguer les connaissances essentielles de celles qui peuvent être utiles mais non essentielles (ce que les Anglais appellent les «

nice-to-know

»).

Identification de la compétence et du ou des niveaux d’habiletés visées


Dans notre exemple, une seule compétence est visée, soit la connaissance principale, qui est de nature procédurale : « Récupérer des déchets domestiques non organiques ». Cette «méga-connaissance procédurale» sera considérée comme l’énoncé central de la compé- tence visée (voir annexe).

On vise à ce que l’apprenant soit en mesure d’

appliquer

cette procédure à la fin de la forma- tion, et non simplement de l’expliquer, ou encore de l’analyser ou de la critiquer. Pour bien en prendre conscience, nous suggérons ensuite de préciser quel est le niveau d’habileté visé par cette compétence. Pour ce faire, il est utile de se référer à une taxonomie décrivant de grandes classes de tâches ou d’habiletés selon leur degré de complexité progressive. Aux pages 204 à 208 de son ouvrage sur la modélisation des connaissances (Paquette, 2002), rap- pelle les taxonomies proposées par Bloom (1956) dans le domaine cognitif, ainsi que celle de (Krathworhl, Bloom, & Masia, 1964)3. Puis, il en propose une qui comprend dix niveaux (eux-

2. Il existe plusieurs autres manières de formuler et de présenter des énoncés de compétences. Mais, comme le soulignent Joannert

et al

. (2005), celles-ci ne s’appuient pas toujours sur un modèle théorique solide et ne res- pectent pas toujours les principes qui régissent la définition d’une compétence. Nous croyons que la procédure proposée ici est cohérente avec les définitions énoncées par divers auteurs et qui sont rapportées plus haut.

3. Cet extrait de l’ouvrage de Paquette (2002) est fourni dans les ressources du cours.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

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mêmes regroupés en quatre grandes catégories d’habiletés) et qui a l’avantage de s’appli- quer à tous les domaines de comportement humain (cognitif, psychomoteur, affectif, social). La figure 7.3 du texte 432 de ce cours (tiré de l’ouvrage de Paquette, 2002) présente cette taxonomie, et le tableau 7.6 illustre des exemples d’habiletés (qui peuvent s’appliquer à une compétence ou à une sous-compétence) selon chaque niveau et dans différents domaines. À notre avis, les trois premières classes d’habiletés de cette taxonomie (

1 – Prêter attention, 2 – Repérer ou mémoriser et 3 – Instancier ou préciser

) ne peuvent s’appliquer qu’aux res- sources internes de type procédural et non à la compétence principale. Celle-ci vise des habiletés de plus haut niveau. Dans notre exemple, nous avons indiqué que la compétence visée est de niveau

5 – Appliquer

.

Identifier la famille de situations dans lesquelles la compétence devra être démontrée


Cette information n’est pas explicitée dans le modèle de connaissances. Elle est ajoutée dans le tableau de l’énoncé de compétences. Il s’agit d’identifier le plus précisément pos- sible la famille de situations dans laquelle l’apprenant devra, à l’issue de la formation, déployer la compétence visée.

Identifier le niveau de performance attendu


Le niveau de performance attendu lors de la manifestation de la compétence est également spécifié. En effet, comme Allal (1999), nous considérons qu’ « une compétence correspond à un continuum constitué de divers niveaux de complexité et d’efficacité plutôt qu’à un palier d’excellence qui est atteint ou pas atteint » (p. 81).

Le tableau 1 présente une échelle de niveaux de performance. Cette échelle est une adapta- tion de celle proposée par Paquette (2002). Elle comporte quatre niveaux de performance, allant d’une performance moins experte à une performance plus experte :

1 – Sensibilisa- tion, 2 – Familiarisation, 3 – Maîtrise et 4 – Expertise

. Chacun de ces niveaux est défini par la combinaison de cinq critères qualitatifs. Il s’agit, en fait, de répondre à cinq questions à propos de la capacité de l’étudiant, à la fin de la formation, de déployer la compétence.

Dans le tableau de l’annexe, nous avons indiqué que, dans notre exemple, c’est le niveau de performance le plus élevé, soit le niveau

4 – Expertise

, qui est visé.

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

TABLEAU 1

Échelle descriptive de niveaux de performance (adaptée de Paquette, 2002, p. 263)

Niveaux de performance


1 – Sensibilisation

2 – Familiarisation

3 – Maîtrise

4 – Expertise

Parfois

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Avec beaucoup d’aide

Avec un peu d’aide

Sans aide

Sans aide

Partiellement

Partiellement

Entièrement

Entièrement

Situations simples

Situations simples

Situations moyennement complexes

Situations complexes

Situations familières

Situations familières

Situations familières

Situations nouvelles

L’étudiant sera capable de déployer la compétence :


Avec quelle régularité?


Avec ou sans aide de ressources humaines externes?


Partiellement ou entièrement?


Dans quel genre de situations?


Dans des situations familières ou nouvelles?


Identifier les ressources internes et externes


Comme nous l’avons déjà mentionné, la majorité des concepts, procédures et principes qui apparaissent dans le modèle de connaissances sont considérés comme des

ressources internes

. Celles-ci sont donc rapportées dans le tableau de l’énoncé de compétence, en les classifiant selon leur type : ressources internes conceptuelles (concepts et faits), res- sources internes procédurales (procédures) et ressources internes stratégiques (principes). On identifiera également, pour chaque ressource interne mentionnée, le niveau d’habileté visé, en faisant référence à une taxonomie d’habiletés telles que celles décrites plus haut.

Les

ressources externes

sont également spécifiées dans le tableau. Bien que, dans notre exemple, nous ayons indiqué que l’étudiant sera en mesure de déployer la compétence sans l’aide de ressources humaines, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas utiliser des res- sources documentaires, telles que, par exemple, des documents qui leur seraient fournis par les services municipaux de leur quartier (p. ex. : un tableau des déchets récupérables et non récupérables) ou des sites web sur le sujet.

Formuler les objectifs d’apprentissage spécifiques visés


À partir de l’ensemble des informations déjà spécifiées dans le tableau d’énoncé de com- pétence, il s’agit maintenant de formuler les objectifs d’apprentissage spécifiques (ou sous-compétences) qui sont visées dans la formation. Ces objectifs permettent de résu- mer dans des énoncés clairs, les différentes connaissances conceptuelles, procédurales et stratégiques visées.

Identifier les critères d’évaluation des objectifs


Finalement, les critères d’évaluation des objectifs sont spécifiés pour chaque objectif visé. Ces critères seront utiles lors de la sélection des modalités d’évaluation des apprentissages.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

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ANNEXE


Exemple d’un énoncé de compétence et des objectifs d’apprentissage qui y sont associés4


Récupérer des déchets domestiques non organiques

Situations d’usage domestique de matériaux divers. Exemples : • préparation de repas

• gestion du courrier reçu à la maison

• retrait de l’emballage de divers articles et appareils nouvellement acquis pour la maison • mise au rebut de petits appareils électriques et d’appareils électroniques

• etc.

Compétence

À la fin de ce cours, l’étudiant sera capable de :


Niveau de l’habileté


Critères d’évaluation


5 – Appliquer


Niveau de performance attendu


Niveau Expert. La compétence sera déployée : • Toujours (lorsque c’est pertinent)

• Sans l’aide de ressources humaines externes • Entièrement

• Dans des situations complexes

• Dans des situations nouvelles

Contenant de récupération

Déchets récupérables et non récupérables Déchets organiques et non organiques

Reconnaître l’importance et les avantages de la récupération des déchets Se procurer un contenant à récupération

Identifier les types de déchets

Nettoyer les déchets

Placer les déchets dans le contenant à récupération Disposer du contenant à récupération

Règlements municipaux en matière de récupération des déchets Principes de sélection des déchets récupérables

Principes de nettoyage des déchets récupérables

Principes de placement des déchets dans le bac de récupération Principes de disposition du bac de récupération en vue du ramassage

Ressources externes


2 – Identifier


3 – Discriminer


3 – Discriminer


Niveau de l’habileté


3 – Expliciter 5 – Appliquer 6 – Classifier 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer


Niveau de l’habileté


5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer


Ressources internes conceptuelles (Concepts)


Niveau de l’habileté


Ressources internes procédurales (Procédures)


Famille de situations


Ressources internes stratégiques (Principes)


Ressources des services municipaux en matière de récupération des déchets

Documents fournis par les services municipaux sur les règles de récupération des déchets Sites web sur la récupération des déchets

4. Bien que le concepteur puisse spécifier dès maintenant les critères d’évaluation qui seront appliqués lors de la formation, ils ne sont pas spécifiés dans ce tableau, car ce point est abordé plus loin dans le cours (voir le texte 451 «La spécification de la stratégie d’évaluation des apprentissages».

12


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Objectifs d’apprentissage spécifiques


Critères d’évaluation


Expliquer l’importance et les avantages de la récupération des déchets dans la société et dans sa vie personnelle.

Nommer différents types de contenant à récupération et en décrire les avantages et les limites.

Discriminer les déchets récupérables des déchets non récupérables.

Appliquer la procédure de récupération des déchets domestiques dans sa vie personnelle en respectant les principaux principes de sélection, nettoyage, placement et disposition des déchets domestiques récupérables.

Nommer différentes ressources auxquelles un citoyen peut faire appel en matière de récupération des déchets domestiques.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

13


RÉFÉRENCES


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Sans titre

DESCRIPTION

Une cible d’apprentissage est un énoncé qui spécifie ce que l’apprenant (et non le formateur) sera capable de faire à la fin de la formation. Dans le cas de formations ayant une certaine envergure (cours de plusieurs heures, programme, etc.), on peut compter plusieurs cibles d’apprentissage, souvent structurées en plusieurs niveaux. Par exemple, à un premier niveau, on peut parler du

but de la formation

(généralement défini à la phase d’analyse du projet de design pédagogique); au deuxième niveau, ce but peut être décomposé en plusieurs

objectifs généraux

d’apprentissage; puis chacun des objectifs généraux peut ensuite être décomposé en objectifs plus

spécifiques

. On retrouve d’autres appellations pour désigner l’un ou l’autre des niveaux de cibles d’apprentissage :

compétences

,

objectif opératoire

,

objectif opérationnel

,

objectif intermédiaire

, etc. C’est au concepteur de décider du nombre de niveaux de cibles à préciser (et des appellations données à chacun de ces niveaux), en tenant compte de l’ampleur et de la complexité de la formation à développer, du cadre dans lequel il travaille et de l’approche théorique dans lequel s’inscrit sa vision de l’apprentissage.

L’objectif comme cible d’apprentissage


Dans une approche béhavioriste de l’apprentissage, les cibles d’apprentissage sont souvent exprimées sous forme d’une liste d’objectifs définis en termes comportementaux. Selon les règles de formulation d’objectifs pédagogiques formulées par Mager dès les années 70 (Mager, 1972), un énoncé d’objectif doit spécifier les trois éléments suivants : (1) le

comportement observable

attendu de l’apprenant, (2) les

circonstances

ou les

conditions

précises dans lesquelles ce comportement devra être démontré (par exemple, limite de temps, utilisation d’outils ou documents, type d’aide fournie, lieu, etc.), et (3) le

degré d’atteinte

attendu de ce comportement (par exemple, nombre de réponses correctes, nombre d’éléments à démontrer, nommer, classifier, etc.; pourcentage de réussite attendu, etc.). À ces trois éléments de base, ajoutons la spécification de la ou des

connaissances

sur lesquelles s’applique le comportement attendu.

Ainsi, un énoncé tel que « Comprendre le cycle de l’eau » n’est pas une bonne formulation d’un objectif d’apprentissage au sens où l’entendent les béhavioristes : «comprendre» n’est pas un comportement observable et l’énoncé ne fournit aucune information sur les circonstances et sur le degré d’atteinte du comportement attendu. Un énoncé tel que «Nommer et expliquer toutes les étapes du cycle de l’eau dans un essai écrit d’une page, rédigé sans recours à de la documentation» répondrait davantage à la définition d’un objectif selon eux :

Comportement observable


Nommer et expliquer

Connaissances


les étapes du cycle de l’eau

Circonstances ou conditions


• dans un essai écrit d’une page

• rédigé sans recours à de la documentation

Degré d’atteinte


toutes (les étapes du cycle de l’eau)1

1


1. Le terme «toutes» signifie que l’apprenant devra toutes les nommer pour atteindre l’objectif visé. Un autre objectif pourrait spécifier « les étapes les plus importantes » ou encore « au moins trois étapes du cycle de l’eau ». Il serait même possible de spécifier une note minimale de passage (80 %), mais ce degré de précision n’est pas toujours nécessaire, voire souhaitable.

2


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Cette approche de la définition des cibles d’apprentissage a cependant été remise en ques- tion à partir du milieu des années 80, avec l’émergence de nouvelles théories de l’appren- tissage fondées sur le cognitivisme, le constructivisme et le contextualisme (appelé aussi paradigme de l’apprentissage

situé

). Les principales critiques faites à la manière béhavio- riste de formuler des cibles d’apprentissage tiennent au fait qu’elle traduit une approche morcelée de l’enseignement et de l’apprentissage et qu’elle fait perdre de vue la cible principale qui est de rendre l’apprenant

compétent

dans une situation donnée, que ce soit en milieu scolaire, en milieu professionnel ou dans sa vie quotidienne. L’approche de formation par compétences est aujourd’hui nettement dominante, et ce, dans tous les milieux de formation.

La compétence comme cible d’apprentissage


La notion de

compétence

donne lieu à de nombreux débats dans les écrits scientifiques, mais on décèle néanmoins une certaine uniformité dans la manière de la définir, comme en témoignent ces quelques définitions :

Une personne compétente est une personne qui sait agir avec pertinence dans un contexte particulier, en choisissant et en mobilisant un double équipement de ressources : ressources personnelles (connaissances, savoir-faire, qualités, culture, ressources émotionnelles...) et ressources de réseaux (banques de données, réseaux documentaires, réseaux d’exper- tise, etc.). Savoir agir avec pertinence, cela suppose d’être capable de réaliser un ensemble d’activités selon certains critères souhaitables (Le Boterf, 1999, p. 38).


Une compétence est une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capa- cité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes (Perrenoud, dans Brossard, 1999, p. 16).


Une compétence est un savoir-agir complexe qui fait suite à l’intégration, à la mobilisation et à l’agencement d’un ensemble de capacités et d’habiletés (pouvant être d’ordre cognitif, affectif, psychomoteur et social) et de connaissances (connaissances déclaratives) utilisées efficacement, dans des situations ayant un caractère commun. (Lasnier, 2000, p. 481).


La compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations-problèmes (Roegiers, dans Scallon, 2004, p. 105).


La compétence est la mise en œuvre par une personne, dans une situation donnée et dans un contexte déterminé, d’un ensemble diversifié, mais coordonné, de ressources. Cette mise en œuvre repose sur le choix, la mobilisation et l’organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu’elles permettent pour un traitement réussi de cette situation (Jonnaert, Masciotra, Boufrahi, et Barrette, 2005, p. 6).


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

3


(...) savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de res- sources (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001, p. 4).


Une compétence se définit comme un système de connaissances, conceptuelles et procé- durales, organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l’intention d’une famille de situations, l’identification d’une tâche-problème et sa résolution par une action efficace (Gillet, 1991, p. 69).


(...) une compétence est conçue comme un réseau intégré et fonctionnel constitué de com- posantes cognitives, affectives, sociales, sensorimotrices, susceptible d’être mobilisé en actions finalisées face à une famille de situations (Allal, 1999, p. 81).


À partir de ces définitions, il est possible de dégager des constantes, en reprenant certains termes récurrents :

Un savoir-agir

  1. : c’est donc dans l’action qu’une compétence se définit et non unique- ment dans un savoir abstrait. Certains, comme Le Boterf (1999), parlent d’un « savoir- mobiliser» puisque cette action prend la forme d’une mobilisation d’un ensemble de ressources de manière intégrée, appropriée et intentionnelle dans une situation donnée. La notion de mobilisation implique une vision systémique de l’action du sujet (Lasnier, 2000). Il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition ou addition d’actions isolées et mises bout à bout. Le Bortef, (1999) qualifie ainsi la compétence de «savoir com- binatoire », parce qu’elle est « une séquence d’actions où se combinent de multiples savoir-faire» (p. 344). Lasnier (2000) définit, quant à lui, la compétence comme une sorte de «méga-connaissance procédurale», car elle intègre beaucoup d’éléments permettant de réaliser des tâches complexes.

Un savoir contextualisé :

  1. La compétence est « située » ou « contextualisée ». Elle se déploie dans un contexte donné. Les auteurs utilisent différents autres termes pour faire référence à ce concept de contexte : situation, situation-problème, problème, tâche-problème, tâche professionnelle... Une caractéristique importante de ce con- texte est qu’il est

complexe

  1. . La compétence « se manifeste dans des contextes d’une certaine complexité, contrairement à un savoir-faire qu’on appliquerait isolément» (MÉQ, 2001, p. 5). La personne compétente mettra donc en œuvre une combinaison judicieuse et adéquate de tâches qui est spécifique à chaque situation. Fait à noter, la personne compétente peut non seulement agir adéquatement dans cette situation spécifique, mais également dans toute une «famille de situations» partageant un caractère commun avec celle-ci (Lasnier, 2000; Perrenoud, 1998; Scallon, 2004). Pastré (1999) souligne, à cet effet, que plus une personne a réussi à trouver de l’invariance à un haut niveau d’abstraction entre les situations, «plus sa capacité d’adaptation aux variations des situations va s’accroître» (p. 6). Ainsi, une personne compétente non seulement reconnaît la similarité entre diverses situations, mais elle sait également s’adapter aux nuances de chaque situation appartenant à une famille de situations semblables. Elle peut aussi développer des solutions originales lorsque surgissent des événements inhabituels dans ces situations. Autrement dit, la combinaison des ressources sera appropriée à chaque situation. Ainsi, «la compétence dépasse le niveau du réflexe ou de l’automatisme (...) (MÉQ, 2001, p. 5). Pour Masciotra, Jon- naert et Daviau (cités dans Joannert

et al

., 2005), la compétence est «l’intelligence des situations».

4


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Des ressources mobilisées

: La plupart des auteurs distinguent deux types de ressources que la personne compétente peut mobiliser dans une situation donnée, soit des ressources

internes

et des ressources

externes

. Les ressources

internes

  1. incluent l’ensemble des connaissances, expériences, habiletés, intérêts, attitudes, etc., de la personne. Il s’agit de ressources personnelles (Le Bortef, 1994). Elles incluent tout autant ce que certains appellent les savoirs (connaissances déclaratives ou conceptuelles), les savoir-faire (connaissances procédurales), les savoirs stratégiques (connaissances conditionnelles). Ces savoirs ou connaissances ne relèvent pas uniquement du domaine cognitif, mais aussi du domaine affectif, du domaine social et du domaine moteur. Ainsi, une compétence repose sur l’utilisation de ces différents types de savoirs, mais elle

n’est pas

ces savoirs, qui sont plutôt vus comme étant des

ressources

  1. pour l’individu compétent. Comme l’écrit Perrenoud (1998), «posséder des connaissances ou des capacités ne signifie pas être compétent. On peut connaître des techniques ou des règles de gestion comptable et ne pas savoir les appliquer au moment opportun. On peut connaître le droit commercial et mal rédiger des contrats» (p.16). Quant aux ressources

externes

  1. , elles peuvent être physiques (documents, outils, machines, lieux, etc.), humaines (pairs, formateurs, experts, etc.) ou temporelles. Le Boterf (1994) les décrit pour sa part comme étant des « réseaux de ressources » : banques de données, réseaux documentaires, réseaux d’expertise, etc.

Un savoir se manifeste dans une performance

  1. : La performance est la manifestation de la compétence dans une situation donnée et non la compétence elle-même. Différentes personnes compétentes pourront avoir des performances différentes mais tout aussi efficaces dans une situation donnée. Il y a donc plusieurs façons d’être compétent dans une même situation (Le Bortef, 1999). Cependant, l’action performante est une action réussie, efficace et efficiente. Il s’agit, pour la personne, d’agir avec pertinence (Le Bortef, 1999), à bon escient (Perrenoud, dans Brossard, 1999), en fonction du besoin et de la spécificité de la tâche (Lasnier, 2000), ce qui peut signifier, dans certains cas, à temps et au moment opportun. Comme le souligne Allal, 1999), il peut néanmoins arriver que, dans certaines circonstances, une personne compétente ne soit pas en mesure de faire montre de la performance recherchée. Par exemple, l’enseignant hautement compétent en animation pédagogique peut parfois «bâcler» la mise en œuvre d’une situation d’enseignement/apprentissage, faute d’avoir eu le temps de la préparer ou à cause de problèmes affectifs ou de problèmes de santé. Il n’en reste pas moins compétent.

Malgré ces précisions, lorsque vient le temps, pour le concepteur, de formuler les cibles d’apprentissage d’une activité ou d’un programme de formation, il n’est pas évident d’éta- blir ce qui distingue un «objectif d’apprentissage» et une «compétence». On peut, en ef- fet, penser qu’une compétence est une sorte d’objectif global de très haut niveau, appelé parfois « objectif terminal d’intégration ». Il faut toutefois distinguer les deux notions, esti- ment Joannert

et al.

(2005) :

(...) nous constatons une confusion fréquente, entre «objectif terminal d’intégration» et «compétence». Ces deux notions sont certes complémentaires, mais différentes. Pour Roe- giers (1997),

l’objectif terminal d’intégration

vise l’articulation dans une situation complexe de l’ensemble des apprentissages réalisés au cours d’une année scolaire ou d’une période importante d’un cycle de formation. Il met en jeu les acquis des activités antérieures et s’exerce en les articulant et en les intégrant dans une situation que les auteurs qualifient de complexe (De Ketele

et al

., 1989; Roegiers, 1997). Si cette notion est intéressante et permet une organisation cohérente des acquis des différents apprentissages d’une personne, elle

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

5


ne peut cependant être confondue avec la compétence. Une compétence a bien sûr une fonction intégratrice des ressources qu’elle mobilise, mais seulement à un niveau «local», et dans une situation et un contexte déterminés. Même si, après adaptations, une com- pétence peut être utilisée par une même personne dans plusieurs situations d’une même classe, elle n’a cependant pas ce caractère global de l’objectif terminal d’intégration. Ce dernier est beaucoup plus vaste et devrait au terme d’une formation permettre l’intégration deplusieurscompétences.L’objectifterminald’intégrationinclutdescompétenceset,ence sens, est plus proche de la notion de projet intégrateur que de la notion de compétence. En effet, un projet intégrateur, tout comme un objectif terminal d’intégration, vise la synthèse de toute une formation (Joannert

et al

., 2005, p. 8).

Nombre d’auteurs estiment cependant que les compétences se développent aussi sur une longue durée. Certains situent ce développement à l’échelle d’un programme d’études complet. Selon cette perspective, des formations de quelques heures sur un sujet précis pourraient ne pas viser le développement d’une compétence particulière. Les cibles d’ap- prentissage de ces formations pourraient alors être formulées sous la forme d’objectifs, comme ils le sont traditionnellement dans l’optique béhavioriste. Rappelons l’exemple cité plus haut où il s’agirait ici pour le sujet de simplement apprendre les différentes étapes du cycle de l’eau : « Nommer et expliquer toutes les étapes du cycle de l’eau dans un essai écrit d’une page, rédigé sans recours à de la documentation».

Cependant, les activités de formation des adultes, si courtes soient-elles, visent généra- lement des connaissances procédurales qui peuvent être considérées, à notre avis, comme des compétences, celles-ci pouvant être plus ou moins complexes : faire des photocopies à l’aide d’un nouveau photocopieur intégrant des fonctions numériques, rédiger un rapport d’impôt, prendre des photographies avec un appareil photographique numérique, faire une pizza, remplacer un pneu crevé sur un vélo, acheter une maison, produire un album photo électronique, etc. Bien que moins complexes que d’autres compétences telles que négocier un contrat ou gérer un projet de développement d’un matériel éducatif multimédia, elles n’en demeurent pas moins des compétences : elles exigent le recours à des ressources internes et externes variées et se manifestent dans des familles de situations semblables.

Aussi, dans la plupart des cas, les cibles d’apprentissage des situations de formation d’adultes peuvent être formulées sous forme d’énoncés de compétences. Crevier (2002) suggère de ne pas viser plus d’une compétence dans un «cours». Cette façon de voir permet de cibler la compétence la plus générale visée par la formation, peu importe son ampleur. Un cours de 3 heures visera une compétence plus spécifique alors qu’un cours de 135 heures visera une compétence plus générale qui implique le développement de sous-compétences. Par ailleurs, on admettra facilement que plusieurs cours peuvent viser le développement d’une même compétence et que cela s’avèrera même nécessaire dans certains cas pour permettre à la personne d’atteindre un niveau de performance maximal dans le déploiement de cette compétence dans différentes situations.

BUT


La formulation des cibles d’apprentissage d’une formation est utile tant au concepteur qu’au formateur et aux apprenants. Pour le concepteur, la formulation des objectifs ou compétences visées devrait l’amener non seulement à mettre l’accent, tout au long du tra- vail de conception de la formation, sur ce que les apprenants doivent apprendre plutôt que

6


LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

ce que le formateur doit enseigner, mais également à choisir des stratégies pédagogiques, des médias d’apprentissage et des stratégies d’évaluation d’apprentissage appropriés selon les objectifs ou selon les compétences visées. Cela lui permet également de viser le «bon niveau» d’expertise à développer chez les apprenants. En effet, dans une formation, on peut viser un niveau de simple «familiarisation» à un domaine alors que, dans une autre, on visera le niveau «maîtrise» ou le niveau «expert».

Les énoncés d’objectifs ou de compétences visées servent également d’outil de commu- nication pour le formateur. En effet, il peut informer les apprenants de ce qui est attendu d’eux à la fin de la formation. Les apprenants, quant à eux, trouveront utile de prendre connaissance des cibles d’apprentissage visées dans la formation de manière à ajuster leurs attentes ainsi qu’à construire leurs connaissances et se préparer à l’évaluation de leurs apprentissages en fonction de ceux-ci. Ainsi, on peut dire qu’en quelque sorte, cette information facilite leur apprentissage (Cantor, 2001). Plutôt que de s’évertuer à deviner ce qui est attendu d’eux, les apprenants peuvent situer les activités réalisées au cours de la formation dans un cadre plus général orienté vers l’atteinte d’objectifs ou le développe- ment de compétences bien ciblées.

PROCÉDURE


Puisque l’approche de formation par compétences reflète les découvertes scientifiques les plus récentes sur l’apprentissage, la cognition et l’enseignement et qu’elle domine nette- ment dans les milieux de formation (tant dans les milieux scolaires que dans l’entreprise), nous vous suggérons d’adopter cette perspective pour spécifier les cibles d’apprentissage. Nous signalons toutefois que, si la formation à concevoir ne vise que des connaissances conceptuelles, sans but d’intégration de ces connaissances dans des situations d’usage, les cibles d’apprentissage pourront alors être formulées sous forme d’objectifs, à la ma- nière proposée par Mager (1972).

L’approche proposée par Paquette (2002) et Crevier (2002) pour spécifier les compétences nous apparaît intéressante parce que relativement facile à opérationnaliser. Cette procé- dure s’applique dans toute situation impliquant des connaissances procédurales. Nous en présentons une version simplifiée et adaptée dans les paragraphes qui suivent.

Si une spécification des contenus a déjà été faite au moyen de la technique de modéli- sation des connaissances (étape précédente de ce cours), le travail de spécification de plusieurs éléments de la ou des compétences visées est déjà bien amorcé. Ce graphe pré- cise, en effet, les connaissances conceptuelles (concepts), procédurales (procédures) et stratégiques (principes) visées dans la formation, autrement dit les

ressources internes

qui devront être mobilisées par la personne compétente. Certaines

ressources externes

peuvent également être spécifiées dans ce graphe, car, d’une certaine manière, l’apprenant doit en connaître l’existence et en reconnaître l’utilité pour le déploiement de la compé- tence visée : c’est pourquoi elles peuvent apparaître en tant que « connaissances » dans le modèle de connaissances, bien qu’ils puissent s’agir d’objets physiques concrets.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

7


Prenons un exemple afin d’illustrer la procédure à suivre pour formuler un énoncé de com- pétences. La figure 1 présente l’exemple d’un modèle de connaissances pour une forma- tion d’une demi-journée portant sur la récupération des déchets non organiques.

FIGURE 1

Exemple d’un modèle de connaissances d’une formation portant sur la récupération des déchets domestiques non organiques.

Règles municipales en matière de récupération des déchets

I/P R

Reconnaître l'importance et les avantages de la récupération des déchets

C

Récupérer des déchets domestiques non organiques

I/P C

C

I/P

Disposer du contenant à récupération rempli

Se procurer un contenant à récupération

C P

C

Nettoyer les déchets récupérables

I/P

Principes de sélection des déchets récupérables

Sélectionner les déchets récupérables

C

Contenant à récupération

RRPP Placer les déchets dans

R

Déchets domestiques envoyés à la récupération

R

I/P

S

I/P

Règles de disposition du contenant à récupération

Au besoin

Règles de nettoyage des déchets récupérables

le contenant à récupération

Déchets non organiques

SR

Déchets non organiques récupérables

Déchets non organiques non récupérables

Règles de placement des déchets dans le contenant de récupération

Ressources des services municipaux

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Il s’agit maintenant de formuler un ou plusieurs énoncés de compétences à partir de ce graphe. La procédure à suivre sera décrite selon les étapes suivantes :

Identifier la compétence et le ou les niveaux d’habiletés visées dans la compétence;

Identifier la famille de situations dans lesquelles la compétence devra être démontrée;

Identifier le niveau de performance attendu lors du déploiement de la compétence;

Identifier les ressources internes et externes qui devront être mobilisées dans le déploiement de la compétence, et, pour les ressources internes de type procédural, le niveau de l’habileté visé;

Formuler les objectifs d’apprentissage visés (certains les appellent des «sous-compé- tences» ou des «éléments de compétence»);

  1. Identifier les critères d’évaluation de l’atteinte des objectifs;
  2. Nous proposons de regrouper les résultats de ces étapes dans un tableau, tel que celui apparaissant à l’annexe2. Si plusieurs compétences sont visées dans une formation, on produira plus d’un tableau.

Avant de prendre connaissance de la procédure de formulation de l’énoncé d’une compé- tence telle que celle présentée dans le tableau de l’annexe, notons que des allers-retours sont possibles entre l’activité de spécification du contenu (c’est-à-dire celle de l’élaboration du modèle de connaissances de la formation) et l’activité d’énonciation de la ou des com- pétences visées. Il est fort possible qu’en formulant l’énoncé de compétence, le concepteur se rende compte qu’il a oublié de spécifier certaines connaissances (ressources internes) nécessaires au déploiement de cette compétence. À l’inverse, il peut aussi se rendre compte que certaines connaissances qu’il croyait important d’aborder dans la formation ne sont pas vraiment utiles pour déployer la compétence. Il s’agit donc d’un processus itératif très utile pour distinguer les connaissances essentielles de celles qui peuvent être utiles mais non essentielles (ce que les Anglais appellent les «

nice-to-know

»).

Identification de la compétence et du ou des niveaux d’habiletés visées


Dans notre exemple, une seule compétence est visée, soit la connaissance principale, qui est de nature procédurale : « Récupérer des déchets domestiques non organiques ». Cette «méga-connaissance procédurale» sera considérée comme l’énoncé central de la compé- tence visée (voir annexe).

On vise à ce que l’apprenant soit en mesure d’

appliquer

cette procédure à la fin de la forma- tion, et non simplement de l’expliquer, ou encore de l’analyser ou de la critiquer. Pour bien en prendre conscience, nous suggérons ensuite de préciser quel est le niveau d’habileté visé par cette compétence. Pour ce faire, il est utile de se référer à une taxonomie décrivant de grandes classes de tâches ou d’habiletés selon leur degré de complexité progressive. Aux pages 204 à 208 de son ouvrage sur la modélisation des connaissances (Paquette, 2002), rap- pelle les taxonomies proposées par Bloom (1956) dans le domaine cognitif, ainsi que celle de (Krathworhl, Bloom, & Masia, 1964)3. Puis, il en propose une qui comprend dix niveaux (eux-

2. Il existe plusieurs autres manières de formuler et de présenter des énoncés de compétences. Mais, comme le soulignent Joannert

et al

. (2005), celles-ci ne s’appuient pas toujours sur un modèle théorique solide et ne res- pectent pas toujours les principes qui régissent la définition d’une compétence. Nous croyons que la procédure proposée ici est cohérente avec les définitions énoncées par divers auteurs et qui sont rapportées plus haut.

3. Cet extrait de l’ouvrage de Paquette (2002) est fourni dans les ressources du cours.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

9


mêmes regroupés en quatre grandes catégories d’habiletés) et qui a l’avantage de s’appli- quer à tous les domaines de comportement humain (cognitif, psychomoteur, affectif, social). La figure 7.3 du texte 432 de ce cours (tiré de l’ouvrage de Paquette, 2002) présente cette taxonomie, et le tableau 7.6 illustre des exemples d’habiletés (qui peuvent s’appliquer à une compétence ou à une sous-compétence) selon chaque niveau et dans différents domaines. À notre avis, les trois premières classes d’habiletés de cette taxonomie (

1 – Prêter attention, 2 – Repérer ou mémoriser et 3 – Instancier ou préciser

) ne peuvent s’appliquer qu’aux res- sources internes de type procédural et non à la compétence principale. Celle-ci vise des habiletés de plus haut niveau. Dans notre exemple, nous avons indiqué que la compétence visée est de niveau

5 – Appliquer

.

Identifier la famille de situations dans lesquelles la compétence devra être démontrée


Cette information n’est pas explicitée dans le modèle de connaissances. Elle est ajoutée dans le tableau de l’énoncé de compétences. Il s’agit d’identifier le plus précisément pos- sible la famille de situations dans laquelle l’apprenant devra, à l’issue de la formation, déployer la compétence visée.

Identifier le niveau de performance attendu


Le niveau de performance attendu lors de la manifestation de la compétence est également spécifié. En effet, comme Allal (1999), nous considérons qu’ « une compétence correspond à un continuum constitué de divers niveaux de complexité et d’efficacité plutôt qu’à un palier d’excellence qui est atteint ou pas atteint » (p. 81).

Le tableau 1 présente une échelle de niveaux de performance. Cette échelle est une adapta- tion de celle proposée par Paquette (2002). Elle comporte quatre niveaux de performance, allant d’une performance moins experte à une performance plus experte :

1 – Sensibilisa- tion, 2 – Familiarisation, 3 – Maîtrise et 4 – Expertise

. Chacun de ces niveaux est défini par la combinaison de cinq critères qualitatifs. Il s’agit, en fait, de répondre à cinq questions à propos de la capacité de l’étudiant, à la fin de la formation, de déployer la compétence.

Dans le tableau de l’annexe, nous avons indiqué que, dans notre exemple, c’est le niveau de performance le plus élevé, soit le niveau

4 – Expertise

, qui est visé.

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

TABLEAU 1

Échelle descriptive de niveaux de performance (adaptée de Paquette, 2002, p. 263)

Niveaux de performance


1 – Sensibilisation

2 – Familiarisation

3 – Maîtrise

4 – Expertise

Parfois

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Toujours (lorsque c’est pertinent)

Avec beaucoup d’aide

Avec un peu d’aide

Sans aide

Sans aide

Partiellement

Partiellement

Entièrement

Entièrement

Situations simples

Situations simples

Situations moyennement complexes

Situations complexes

Situations familières

Situations familières

Situations familières

Situations nouvelles

L’étudiant sera capable de déployer la compétence :


Avec quelle régularité?


Avec ou sans aide de ressources humaines externes?


Partiellement ou entièrement?


Dans quel genre de situations?


Dans des situations familières ou nouvelles?


Identifier les ressources internes et externes


Comme nous l’avons déjà mentionné, la majorité des concepts, procédures et principes qui apparaissent dans le modèle de connaissances sont considérés comme des

ressources internes

. Celles-ci sont donc rapportées dans le tableau de l’énoncé de compétence, en les classifiant selon leur type : ressources internes conceptuelles (concepts et faits), res- sources internes procédurales (procédures) et ressources internes stratégiques (principes). On identifiera également, pour chaque ressource interne mentionnée, le niveau d’habileté visé, en faisant référence à une taxonomie d’habiletés telles que celles décrites plus haut.

Les

ressources externes

sont également spécifiées dans le tableau. Bien que, dans notre exemple, nous ayons indiqué que l’étudiant sera en mesure de déployer la compétence sans l’aide de ressources humaines, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas utiliser des res- sources documentaires, telles que, par exemple, des documents qui leur seraient fournis par les services municipaux de leur quartier (p. ex. : un tableau des déchets récupérables et non récupérables) ou des sites web sur le sujet.

Formuler les objectifs d’apprentissage spécifiques visés


À partir de l’ensemble des informations déjà spécifiées dans le tableau d’énoncé de com- pétence, il s’agit maintenant de formuler les objectifs d’apprentissage spécifiques (ou sous-compétences) qui sont visées dans la formation. Ces objectifs permettent de résu- mer dans des énoncés clairs, les différentes connaissances conceptuelles, procédurales et stratégiques visées.

Identifier les critères d’évaluation des objectifs


Finalement, les critères d’évaluation des objectifs sont spécifiés pour chaque objectif visé. Ces critères seront utiles lors de la sélection des modalités d’évaluation des apprentissages.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

11


ANNEXE


Exemple d’un énoncé de compétence et des objectifs d’apprentissage qui y sont associés4


Récupérer des déchets domestiques non organiques

Situations d’usage domestique de matériaux divers. Exemples : • préparation de repas

• gestion du courrier reçu à la maison

• retrait de l’emballage de divers articles et appareils nouvellement acquis pour la maison • mise au rebut de petits appareils électriques et d’appareils électroniques

• etc.

Compétence

À la fin de ce cours, l’étudiant sera capable de :


Niveau de l’habileté


Critères d’évaluation


5 – Appliquer


Niveau de performance attendu


Niveau Expert. La compétence sera déployée : • Toujours (lorsque c’est pertinent)

• Sans l’aide de ressources humaines externes • Entièrement

• Dans des situations complexes

• Dans des situations nouvelles

Contenant de récupération

Déchets récupérables et non récupérables Déchets organiques et non organiques

Reconnaître l’importance et les avantages de la récupération des déchets Se procurer un contenant à récupération

Identifier les types de déchets

Nettoyer les déchets

Placer les déchets dans le contenant à récupération Disposer du contenant à récupération

Règlements municipaux en matière de récupération des déchets Principes de sélection des déchets récupérables

Principes de nettoyage des déchets récupérables

Principes de placement des déchets dans le bac de récupération Principes de disposition du bac de récupération en vue du ramassage

Ressources externes


2 – Identifier


3 – Discriminer


3 – Discriminer


Niveau de l’habileté


3 – Expliciter 5 – Appliquer 6 – Classifier 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer


Niveau de l’habileté


5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer 5 – Appliquer


Ressources internes conceptuelles (Concepts)


Niveau de l’habileté


Ressources internes procédurales (Procédures)


Famille de situations


Ressources internes stratégiques (Principes)


Ressources des services municipaux en matière de récupération des déchets

Documents fournis par les services municipaux sur les règles de récupération des déchets Sites web sur la récupération des déchets

4. Bien que le concepteur puisse spécifier dès maintenant les critères d’évaluation qui seront appliqués lors de la formation, ils ne sont pas spécifiés dans ce tableau, car ce point est abordé plus loin dans le cours (voir le texte 451 «La spécification de la stratégie d’évaluation des apprentissages».

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LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

Objectifs d’apprentissage spécifiques


Critères d’évaluation


Expliquer l’importance et les avantages de la récupération des déchets dans la société et dans sa vie personnelle.

Nommer différents types de contenant à récupération et en décrire les avantages et les limites.

Discriminer les déchets récupérables des déchets non récupérables.

Appliquer la procédure de récupération des déchets domestiques dans sa vie personnelle en respectant les principaux principes de sélection, nettoyage, placement et disposition des déchets domestiques récupérables.

Nommer différentes ressources auxquelles un citoyen peut faire appel en matière de récupération des déchets domestiques.

LA SPÉCIFICATION DES CIBLES D’APPRENTISSAGE

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