📌 1. Définition et rôle des clauses d’agrément
La clause d’agrément est une disposition statutaire qui conditionne la validité d’une cession ou transmission de droits sociaux (actions ou parts sociales) à l’approbation préalable de la société ou des associés existants.
Objectif :
Elle permet aux associés ou actionnaires d’exercer un contrôle sur l’identité des nouveaux entrants, afin de préserver l’affectio societatis, l’équilibre interne ou encore d’éviter l’arrivée d’associés indésirables.
📝 Cadre légal :
- Pour les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) :
- Art. L. 228-23 du Code de commerce : impose que la clause soit prévue explicitement dans les statuts.
- Pour les SARL :
- Art. L. 223-14 du Code de commerce : principe d’agrément légal obligatoire sauf exceptions prévues par la loi ou les statuts.
📌 2. Domaine d’application des clauses d’agrément
🔸 Application générale :
En principe, l’agrément est requis pour toute opération volontaire de transfert de droits sociaux : cession, donation, échange, apport en société, etc.
🔸 Cas spécifique des fusions :
- En cas de fusion-absorption, la société absorbante reçoit automatiquement (transmission universelle du patrimoine, TUP) tous les actifs et passifs de la société absorbée, y compris ses participations sociales.
- Cass. com., 6 mai 2003, n°01-12567 précise que l’agrément peut s’appliquer en cas de fusion si les statuts le prévoient explicitement.
- Si la clause est prévue, elle reste valide et opposable même lors d’une fusion ou autre opération universelle.
- Ceci signifie que l’agrément n’est pas limité aux seules cessions volontaires ; il couvre aussi les transmissions universelles (TUP).
Conséquences pratiques :
- Les sociétés doivent anticiper dans leurs statuts ces opérations (fusion, scission, apport partiel d'actifs…) pour éviter les conflits lors de la transmission des actions ou parts sociales.
📌 3. La fraude à l’agrément
🚨 Définition juridique :
La fraude à l’agrément consiste à utiliser des mécanismes ou montages juridiques afin d'éviter l’application d’une clause d’agrément. La fraude suppose une volonté délibérée de contourner les statuts.
Deux principaux cas de fraude ressortent de la jurisprudence :
🟠 a. Fraude par donation ou autre opération détournée
- Cass. com., 27 juin 1989, n°88-17654 :
- Une opération normalement non soumise à agrément (par exemple, une donation) est utilisée pour masquer une véritable cession.
- Portée : Les juges sanctionnent l’opération par l’inopposabilité à la société et la déclarent frauduleuse.
🟠 b. Fraude par interposition de personne (prête-nom)
- Cass. com., 13 décembre 1994, n°93-11569 et 93-12349 :
- Le cessionnaire réel dissimule son identité en utilisant un intermédiaire apparent pour éviter l’agrément.
- Portée : Cette manœuvre frauduleuse est aussi considérée comme une fraude et entraîne la même sanction (inopposabilité, voire nullité).
📌 4. Sanction de la fraude : la nullité
❌ Sanction jurisprudentielle :
- La jurisprudence considère la fraude à l’agrément comme une atteinte grave à l’intérêt social.
- Cass. com., 21 janvier 1997, n°94-19016 :
- Consacre clairement la nullité des opérations frauduleuses réalisées en violation d’une clause d’agrément statutaire.
- La nullité est une sanction radicale : l’opération est réputée n’avoir jamais existé.
Conditions de la nullité pour fraude :
- L’intention frauduleuse doit être prouvée (élément intentionnel).
- Les associés ou la société lésée doivent agir en justice pour faire prononcer la nullité.
📌 5. Procédure d’agrément : conditions de validité
L’agrément suppose une procédure formelle stricte :
📍 Étapes classiques :
- Notification préalable à la société (gérant dans les SARL, président ou organe compétent dans les SA/SAS).
- Convocation de l’assemblée générale ou décision de l’organe compétent.
- Décision expresse dans un délai fixé par les statuts (en général 3 mois en SARL, 3 mois aussi souvent dans les sociétés par actions).
📍 Sanction du non-respect de la procédure :
- Cass. com., 17 janvier 2012, n°09-17212 :
- En cas d’absence de réponse de la société dans le délai imparti, la cession est réputée agréée.
- Cass. com., 14 avril 2021, n°19-16468 et 12 février 2025, n°23-13520 :
- La cession réalisée en méconnaissance de la procédure formelle d’agrément (notification préalable, délai légal/statutaire) peut être frappée de nullité.
📌 6. Portée pratique de ces clauses pour les sociétés
⚖️ Avantages :
- Permettent un contrôle effectif sur l'entrée de nouveaux associés.
- Assurent la stabilité interne de la société, protègent l’affectio societatis.
⚠️ Points d’attention :
- Les statuts doivent être rédigés très clairement, notamment pour prévoir explicitement les cas spécifiques (fusions, donations, successions).
- En pratique, les clauses doivent prévoir les modalités d’exercice du droit d’agrément, pour éviter toute contestation et risque de nullité.
1. Domaine de l'agrément
📌 Document n° 1 : Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-15393 (inédit)
Portée :
La Cour de cassation confirme que depuis l’ordonnance du 24 juin 2004,
les clauses d’agrément demeurent valables dans les sociétés par actions uniquement `
si elles sont explicitement prévues par les statuts conformément à la modification
de l’article L. 228-23 du Code de commerce. L’arrêt souligne que cette exigence
légale post-2004 conditionne impérativement la validité et l’opposabilité de ces clauses.
📖 Références complémentaires : BJS, juin 2023, p.19 (note A. Reygrobellet) ; Dr. sociétés 2023, com. n°84, note J.-F. Hamelin.
📌 Document n° 2 : CA Paris, 3 janvier 2025, n° 23/07757
Portée :
La Cour d'appel de Paris reprend l’analyse précédente de la
Cour de cassation et confirme l’opposabilité d’une clause d’agrément
statutaire dans une société par actions simplifiée (SAS). Elle affirme
explicitement la validité de ces clauses
après la réforme introduite par l’ordonnance du 24 juin 2004,
confortant leur double nature contractuelle et institutionnelle.
📖 Références complémentaires : BJS, mars 2025, p.19 (note A. Reygrobellet).
📌 Document n° 3 : Cass. com., 6 mai 2003, n° 01-12567 (arrêt de référence)
Portée :
La Cour indique clairement que les clauses d’agrément peuvent valablement
s’appliquer aux opérations de fusion(transmission universelle du patrimoine social)
dès lors que les statuts le prévoient. Cet arrêt souligne ainsi la possibilité
d’étendre contractuellement le champ d’application des clauses d’agrément
au-delà des simples cessions volontaires.
📖 Références complémentaires : JCP E 2003, 1203, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; RTD com. 2003, p.525, obs. J.-P. Chazal et Y. Reinhard.
2. Fraude à l’agrément
📌 Document n° 4 : Cass. com., 27 juin 1989, n° 88-17654 (arrêt majeur sur la fraude par donation)
Portée :
La Cour établit que toute opération, même théoriquement étrangère au domaine
de l’agrément (comme une donation), réalisée en vue de contourner une clause
d’agrément constitue une fraude. Par conséquent, cette opération est inopposable
à la société et aux associés lésés.
📖 Références complémentaires : BJS 1989, p.815 (note P. Le Cannu) ; RTD civ. 1989, p.530 (obs. J. Mestre).
📌 Document n° 5 : Cass. com., 13 décembre 1994, n° 93-11569 et 93-12349 (arrêt majeur sur la fraude par interposition de personne)
Portée :
La Cour sanctionne explicitement le contournement d’une clause
d’agrément via une cession par interposition de personne (prête-nom). `
Ce mécanisme frauduleux, visant à masquer l’identité réelle du cessionnaire,
est considéré comme
une fraude manifeste à l’agrément.
📖 Références complémentaires : BJS 1995, p.152 (note P. Le Cannu) ; Rev. sociétés 1995, p.298 (note D. Randoux).
📌 Document n° 6 : Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-19016 (confirmation jurisprudentielle sur la nullité des opérations frauduleuses)
Portée :
Cet arrêt réaffirme la nullité d’une cession de droits sociaux effectuée en fraude
à la clause d’agrément. Il protège explicitement l’intérêt social contre les pratiques
déloyales et consolide la jurisprudence antérieure sanctionnant la fraude aux clauses
statutaires d’agrément.
📖 Références complémentaires : BJS 1997, p.465 (note P. Le Cannu) ; Dr. sociétés 1997, n°55 (obs. Th. Bonneau).
Ces arrêts précisent ainsi le
champ d'application strict des clauses d'agrément et soulignent fortement la jurisprudence constante sanctionnant `
toute manœuvre frauduleuse visant à contourner
ces clauses dans les sociétés.
🔸 Procédure d’agrément et sanction (SA)
📌 Document n° 7 : Cass. com., 17 janvier 2012, n° 09-17212
Portée en SA :
Cet arrêt précise que, dans une société par actions (SA), si la société ne répond pas à une demande d’agrément dans le délai prévu par les statuts, la cession d’actions est réputée implicitement agréée.
→ La société est sanctionnée pour son inertie, confirmant que le respect du
formalisme statutaire est impératif pour éviter l'agrément automatique.
📚 Importance :
- Cet arrêt rappelle l’importance du strict respect des délais
- statutaires dans les sociétés anonymes.
- Si la société souhaite exercer un contrôle effectif, elle doit impérativement
- agir dans le délai prévu.
📌 Document n° 10 : Cass. com., 16 mai 2018, n° 16-16498
Portée en SA :
Cet arrêt énonce clairement qu'une société par actions (SA, SAS) ne peut
imposer un autre acquéreur que celui initialement présenté par le cédant que
si les statuts le permettent expressément et que la procédure
d'agrément statutaire est
strictement respectée.
→ Toute tentative d'imposer un cessionnaire différent,
en l’absence de
stipulation expresse, est illégale.
📚 Importance :
- Cet arrêt souligne la nécessité d’une rédaction
- très claire des clauses d’agrément dans les statuts de la SA.
- Il protège ainsi les droits du cédant et du cessionnaire initialement
- désigné.
Exclusion des arrêts spécifiques aux SARL :
Les arrêts suivants concernaient exclusivement la SARL, et ne doivent donc
pas être retenus dans le cadre d’une séance de TD exclusivement consacrée à la SA :
- Cass. com., 14 avril 2021, n° 19-16468 (spécifique SARL)
- Cass. com., 12 février 2025, n° 23-13520 (spécifique SARL)
🔸 Procédure d’agrément et sanctions dans les SARL
📌 Document n° 8 : Cass. com., 14 avril 2021, n° 19-16468
Portée en SARL :
Cet arrêt souligne explicitement l’importance du respect strict des étapes procédurales
prévues par la loi (art. L.223-14 du Code de commerce) et les statuts dans une SARL :
- Notification préalable au gérant de la volonté de céder les parts sociales ;
- Consultation effective des associés ;
- Respect précis des délais statutaires ou légaux prévus.
→ En cas de manquement à ces formalités impératives, la cession
peut être frappée de nullité.
📚 Importance pratique :
- Cet arrêt rappelle que les règles de procédure d’agrément dans les SARL
- sont impératives.
- Toute cession effectuée en méconnaissance de ces règles statutaires encourt
- la sanction de la nullité, mettant en avant l'importance d’une procédure rigoureuse.
📌 Document n° 9 : Cass. com., 12 février 2025, n° 23-13520
Portée en SARL :
Cet arrêt récent et majeur (publié) consacre explicitement que le non-respect des règles
impératives de la procédure d’agrément dans une SARL (notamment absence de notification préalable au gérant et défaut de consultation des associés) entraîne la sanction radicale
de la nullité absolue de la cession de parts sociales.
→ La Cour affirme sans ambiguïté que ces conditions sont essentielles pour garantir
l’intérêt social et le respect des droits des associés.
📚 Importance pratique :
- Renforce fortement la sécurité juridique dans les SARL.
- Rappelle aux praticiens l'importance de suivre minutieusement la procédure
- d’agrément afin d’éviter une sanction aussi lourde.