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L’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture


Principe et définition des concepts

En droit FR, la torture est érigée en crime autonome, puni de 15 ans de réclusion criminelle.

-> Avant l’entrée en vigueur du Code pénal de 1994, la torture n’était qu’une circonstance aggravante d’infractions comme le meurtre ou le viol -> personne tuée sous la torture encourait une peine plus lourde que pour un meurtre simple).


L’article 3 de la Convention EDH interdit la torture, les traitements inhumains et dégradants. Ce droit est intangible, ce qui signifie qu’il ne peut jamais être suspendu, même en cas de guerre (article 15 CEDH), et absolu, car aucune restriction n’est permise (même envers un criminel ou un terroriste : CEDH, Saadi c. Italie, 2008, où l’expulsion d’un terroriste vers un pays risquant de lui infliger des traitements inhumains fut interdite).


Quels sont les trois niveaux de gravité des mauvais traitements?

La Cour EDH distingue trois catégories de mauvais traitements, selon leur gravité :


La torture : elle se caractérise par :

  • des souffrances aiguës (sévices graves répétés) ;
  • une intention délibérée (volonté de faire mal) ;
  • un objectif précis (soutirer des aveux lors interrogatoires dans un cadre policier).
La torture est qualifiée par la Cour de "spéciale infamie". Ces éléments sont également repris dans la Convention des Nations Unies contre la torture (1984).
  • ex: Dans CEDH, 1999, Selmouni c. France, un homme roué de coups, menacé sexuellement et psychologiquement obtient la condamnation de la France pour torture.


Les traitements inhumains : impliquent une intention délibérée, mais les souffrances sont d’intensité moindre que dans la torture. (privation prolongée de soins médicaux dans une prison, causant de grandes douleurs psychiques ou physiques).

  • ex: Irlande c. Royaume-Uni (1978) – techniques d’interrogatoire incluant privation de sommeil, bruit, encapuchonnement. La Cour retient le caractère inhumain, mais pas la torture.


Les traitements dégradants : intention n’est pas requise. Ce sont des actes qui abaissent l’individu, le poussent à agir contre sa volonté ou sa dignité (forcer une personne à rester nue devant d’autres, ou la priver de toute intimité dans un centre de détention) -> cela peut briser psychologiquement la victime, générant peur, angoisse ou humiliation.

  • ex: Tyrer c. Royaume-Uni (1978) – fessées administrées sur les fesses nues à un adolescent. La Cour y voit une humiliation excessive, donc un traitement dégradant.


Une évaluation au cas par cas

Même si l’article 3 est absolu, le juge vérifie d’abord si les faits atteignent un "seuil de gravité minimal". Ce seuil dépend de plusieurs éléments, notamment :

  • la durée des souffrances ;
  • les effets physiques ou mentaux ;
  • l’âge, le sexe ou la santé de la victime (un enfant ou une personne malade est plus vulnérable à des conditions de détention pénibles).

Une fois ce seuil franchi, le juge qualifie les faits selon les trois catégories citées ci-dessus. Toutes les atteintes à l’intégrité ne sont pas nécessairement interdites par l’article 3 : certaines sont légitimes, notamment dans le cadre de l’ordre public (usage raisonnable de la force lors d’une arrestation peut être admis).

Encadrement de la violence officielle

La violence officielle = usage de la force par les autorités publiques, légalement encadré et strictement conditionné. Elle est tolérée à condition qu’elle respecte certaines garanties, faute de quoi elle peut être requalifiée en traitement contraire à l’article 3 de la Convention EDH.


Deux conditions cumulatives de légitimité de la violence officielle :

  • Un but légitime, tel que le maintien de l'OP ou la sécurité des personnes -> protection OP
  • La proportionnalité des moyens utilisés, cad que la force ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire
Ex: La police judiciaire peut recourir à la force pour interpeller une personne en fuite.

Une vigilance accrue en cas de privation de liberté:

L’usage de la force envers une personne privée de liberté (garde à vue, détention, etc.) appelle une vigilance renforcée. En effet, ces individus sont dans une position de vulnérabilité accrue face à l’autorité.

Dans l’arrêt CEDH, 2015, Bouyid c. Belgique, la Cour juge qu’une gifle infligée à un mineur par un policier = atteinte à la dignité humaine

§88 : Toute force physique non strictement nécessaire constitue une violation de l’article 3.
§101 : La Cour établit une présomption irréfragable : dès lors qu’il y a une atteinte à la dignité humaine, la violation de la Convention est acquise, même sans dommage corporel important.
Élargissement de la protection

L’article 3 de la CEDH impose à l’État une O d’abstention, cad de ne pas infliger de traitements inhumains ou dégradants -> protection s’est élargie vers des O positives, cad l’O d’agir pour prévenir de tels traitements.


O positives :

  • Planifier les opérations de police de façon à éviter les débordements ;
  • Encadrer réglementairement l’usage de la force (ex : LBD, gaz lacrymogènes…) ;
  • Adapter les modalités d’exécution, pour garantir une action proportionnée.


Dans l’arrêt CEDH, 2020, Castellani c. France, la Cour rappelle ces obligations au §63.


Ainsi, l’État doit protéger les personnes vulnérables par des mesures adaptées. Cela concerne notamment :

  • Les personnes détenues ou les enfants placés dans des centres de rétention administrative, y compris lorsqu’ils sont avec leurs parents. (CEDH, 2012, Popov c. France : un centre inadapté jugé constitutif de traitements inhumains).
  • Les demandeurs d’asile, considérés comme vulnérables et devant bénéficier de conditions d’accueil dignes. (CEDH, 2011, MSS c. Belgique et Grèce).
  • Les mineurs isolés, notamment dans des camps informels comme à Calais. (CEDH 2019, Khan c. France).


L’O de protection s’étend aussi aux violences infligées par des particuliers :

  • En milieu scolaire, des mécanismes de détection et de répression efficaces doivent être en place pour prévenir les violences sexuelles contre les enfants. (CEDH, 2014, O’Keeffe c. Irlande).
  • Dans le cadre des violences domestiques, la Cour impose une législation pénale adaptée et des enquêtes efficaces. (CEDH, 2009, Opuz c. Turquie). Elle exige également une évaluation proactive et autonome du risque de violences, en insistant sur le rôle préventif des autorités. (CEDH, G.C., 2021, Kurt c. Autriche, §168 et suivants). Enfin, le droit FR renforce ce dispositif, notamment par un décret du 24 décembre 2021, instaurant des mesures de surveillance post-libération pour les auteurs de violences conjugales.


➡️ L’État est tenu de prévenir les actes de violence -> Ces O de faire devront être satisfaites dans un contexte vertical, c'est-à-dire dans des relations entre les autorités publiques et les individus ; mais aussi dans des relations horizontales, c'est-à-dire interindividuelles : l’État doit prévenir les mauvais traitements commis par des personnes privées (violences conjugales, harcèlement...)


L’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture


Principe et définition des concepts

En droit FR, la torture est érigée en crime autonome, puni de 15 ans de réclusion criminelle.

-> Avant l’entrée en vigueur du Code pénal de 1994, la torture n’était qu’une circonstance aggravante d’infractions comme le meurtre ou le viol -> personne tuée sous la torture encourait une peine plus lourde que pour un meurtre simple).


L’article 3 de la Convention EDH interdit la torture, les traitements inhumains et dégradants. Ce droit est intangible, ce qui signifie qu’il ne peut jamais être suspendu, même en cas de guerre (article 15 CEDH), et absolu, car aucune restriction n’est permise (même envers un criminel ou un terroriste : CEDH, Saadi c. Italie, 2008, où l’expulsion d’un terroriste vers un pays risquant de lui infliger des traitements inhumains fut interdite).


Quels sont les trois niveaux de gravité des mauvais traitements?

La Cour EDH distingue trois catégories de mauvais traitements, selon leur gravité :


La torture : elle se caractérise par :

  • des souffrances aiguës (sévices graves répétés) ;
  • une intention délibérée (volonté de faire mal) ;
  • un objectif précis (soutirer des aveux lors interrogatoires dans un cadre policier).
La torture est qualifiée par la Cour de "spéciale infamie". Ces éléments sont également repris dans la Convention des Nations Unies contre la torture (1984).
  • ex: Dans CEDH, 1999, Selmouni c. France, un homme roué de coups, menacé sexuellement et psychologiquement obtient la condamnation de la France pour torture.


Les traitements inhumains : impliquent une intention délibérée, mais les souffrances sont d’intensité moindre que dans la torture. (privation prolongée de soins médicaux dans une prison, causant de grandes douleurs psychiques ou physiques).

  • ex: Irlande c. Royaume-Uni (1978) – techniques d’interrogatoire incluant privation de sommeil, bruit, encapuchonnement. La Cour retient le caractère inhumain, mais pas la torture.


Les traitements dégradants : intention n’est pas requise. Ce sont des actes qui abaissent l’individu, le poussent à agir contre sa volonté ou sa dignité (forcer une personne à rester nue devant d’autres, ou la priver de toute intimité dans un centre de détention) -> cela peut briser psychologiquement la victime, générant peur, angoisse ou humiliation.

  • ex: Tyrer c. Royaume-Uni (1978) – fessées administrées sur les fesses nues à un adolescent. La Cour y voit une humiliation excessive, donc un traitement dégradant.


Une évaluation au cas par cas

Même si l’article 3 est absolu, le juge vérifie d’abord si les faits atteignent un "seuil de gravité minimal". Ce seuil dépend de plusieurs éléments, notamment :

  • la durée des souffrances ;
  • les effets physiques ou mentaux ;
  • l’âge, le sexe ou la santé de la victime (un enfant ou une personne malade est plus vulnérable à des conditions de détention pénibles).

Une fois ce seuil franchi, le juge qualifie les faits selon les trois catégories citées ci-dessus. Toutes les atteintes à l’intégrité ne sont pas nécessairement interdites par l’article 3 : certaines sont légitimes, notamment dans le cadre de l’ordre public (usage raisonnable de la force lors d’une arrestation peut être admis).

Encadrement de la violence officielle

La violence officielle = usage de la force par les autorités publiques, légalement encadré et strictement conditionné. Elle est tolérée à condition qu’elle respecte certaines garanties, faute de quoi elle peut être requalifiée en traitement contraire à l’article 3 de la Convention EDH.


Deux conditions cumulatives de légitimité de la violence officielle :

  • Un but légitime, tel que le maintien de l'OP ou la sécurité des personnes -> protection OP
  • La proportionnalité des moyens utilisés, cad que la force ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire
Ex: La police judiciaire peut recourir à la force pour interpeller une personne en fuite.

Une vigilance accrue en cas de privation de liberté:

L’usage de la force envers une personne privée de liberté (garde à vue, détention, etc.) appelle une vigilance renforcée. En effet, ces individus sont dans une position de vulnérabilité accrue face à l’autorité.

Dans l’arrêt CEDH, 2015, Bouyid c. Belgique, la Cour juge qu’une gifle infligée à un mineur par un policier = atteinte à la dignité humaine

§88 : Toute force physique non strictement nécessaire constitue une violation de l’article 3.
§101 : La Cour établit une présomption irréfragable : dès lors qu’il y a une atteinte à la dignité humaine, la violation de la Convention est acquise, même sans dommage corporel important.
Élargissement de la protection

L’article 3 de la CEDH impose à l’État une O d’abstention, cad de ne pas infliger de traitements inhumains ou dégradants -> protection s’est élargie vers des O positives, cad l’O d’agir pour prévenir de tels traitements.


O positives :

  • Planifier les opérations de police de façon à éviter les débordements ;
  • Encadrer réglementairement l’usage de la force (ex : LBD, gaz lacrymogènes…) ;
  • Adapter les modalités d’exécution, pour garantir une action proportionnée.


Dans l’arrêt CEDH, 2020, Castellani c. France, la Cour rappelle ces obligations au §63.


Ainsi, l’État doit protéger les personnes vulnérables par des mesures adaptées. Cela concerne notamment :

  • Les personnes détenues ou les enfants placés dans des centres de rétention administrative, y compris lorsqu’ils sont avec leurs parents. (CEDH, 2012, Popov c. France : un centre inadapté jugé constitutif de traitements inhumains).
  • Les demandeurs d’asile, considérés comme vulnérables et devant bénéficier de conditions d’accueil dignes. (CEDH, 2011, MSS c. Belgique et Grèce).
  • Les mineurs isolés, notamment dans des camps informels comme à Calais. (CEDH 2019, Khan c. France).


L’O de protection s’étend aussi aux violences infligées par des particuliers :

  • En milieu scolaire, des mécanismes de détection et de répression efficaces doivent être en place pour prévenir les violences sexuelles contre les enfants. (CEDH, 2014, O’Keeffe c. Irlande).
  • Dans le cadre des violences domestiques, la Cour impose une législation pénale adaptée et des enquêtes efficaces. (CEDH, 2009, Opuz c. Turquie). Elle exige également une évaluation proactive et autonome du risque de violences, en insistant sur le rôle préventif des autorités. (CEDH, G.C., 2021, Kurt c. Autriche, §168 et suivants). Enfin, le droit FR renforce ce dispositif, notamment par un décret du 24 décembre 2021, instaurant des mesures de surveillance post-libération pour les auteurs de violences conjugales.


➡️ L’État est tenu de prévenir les actes de violence -> Ces O de faire devront être satisfaites dans un contexte vertical, c'est-à-dire dans des relations entre les autorités publiques et les individus ; mais aussi dans des relations horizontales, c'est-à-dire interindividuelles : l’État doit prévenir les mauvais traitements commis par des personnes privées (violences conjugales, harcèlement...)

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