Section 2 : Les vices du consentement
Définition : Les vices du consentement sont des faits juridiques qui altèrent la lucidité ou la liberté du consentement lors de la conclusion d’un contrat. Ils entraînent une discordance entre la volonté interne et la volonté déclarée.
Types de vices : Le Code civil (CC) identifie trois vices du consentement (art. 1130 à 1144) : l’erreur, le dol et la violence. Ces vices sont complémentaires et reposent sur un fondement psychologique, entraînant la nullité s’ils sont déterminants pour le consentement. La recherche de ce caractère déterminant se fait in concreto, en tenant compte des personnes et des circonstances (art. 1130 CC).
Différences :
- Erreur : Considérée comme un vice pur, reposant principalement sur un fondement psychologique.
- Dol et violence : Impliquent un aspect délictuel, le dol étant lié à une tromperie et la violence à une pression exercée sur le consentant.
Impératifs contradictoires : D’un côté, la nécessité de protéger le consentement (vicié) ; de l’autre, l'impératif de sécurité juridique qui impose de ne pas annuler trop facilement les contrats. Ainsi, une simple preuve d’un vice ne suffit pas à entraîner la nullité.
L’erreur
Définition : L’erreur est une fausse représentation de la réalité. Le droit ne peut admettre que toute erreur entraîne la nullité pour des raisons de sécurité juridique.
Types d’erreur sanctionnables (art. 1132 CC) :
- Erreur sur les qualités essentielles de la prestation.
- Erreur sur les qualités essentielles du contractant.
Les autres erreurs sont considérées comme indifférentes.
Erreur sur les qualités essentielles de la prestation
Notion : Peut concerner une erreur sur l'objet du contrat. L’ancien CC parlait d’erreur sur la « substance même de la chose », mais cette conception objective a été remplacée par une approche subjective, tenant compte des intentions des parties (art. 1132 et 1133 CC).
Appréciation par le juge :
- Abstraite : Appréciation selon l’opinion commune.
- In concreto : Appréciation selon les intentions des parties.
Exemples :
- Erreur sur la qualité de l’objet.
- Aptitude d’un bien à remplir un usage spécifique.
Cas particuliers : Les ventes d’œuvres d’art doivent respecter des définitions précises de l’authenticité, ce qui peut affecter la qualité essentielle. Par exemple, une œuvre présentée comme « attribuée à » un artiste introduit un aléa et ne peut pas entraîner la nullité si l’authenticité est par la suite mise en doute.
Erreur de droit ou de fait
L’erreur peut être de fait (sur les caractéristiques matérielles) ou de droit (sur les éléments juridiques). Une erreur de droit peut justifier la nullité, contrant l'adage « nul n'est censé ignorer la loi ».
Erreur sur sa propre prestation
Une erreur sur sa propre prestation peut également justifier la nullité (ex. : affaire Poussin).
Erreur sur les qualités essentielles du contractant
Ce type d’erreur n’est pertinent que pour les contrats intuitu personae (ex. : contrat de travail). Les juges sont souvent réticents à admettre cette erreur comme inexcusable.
Erreurs indifférentes
Deux types d'erreurs sont indifférentes :
- Erreur sur les motifs : Raisons personnelles d'un contractant ne justifient pas la nullité.
- Erreur sur la valeur : L’art. 1136 CC indique que cette erreur est indifférente.
Erreur obstacle
L'erreur obstacle est une erreur si grave qu’elle empêche la rencontre des consentements, entraînant une absence de consentement. Son régime est plus favorable que celui des vices du consentement, permettant la nullité même en cas d’erreur inexcusable.
Caractères de l’erreur
- Caractère déterminant (art. 1130 CC) : L’erreur doit avoir été déterminante pour le consentement. L’appréciation se fait in concreto, en tenant compte des circonstances et des qualités du demandeur.
- Caractère excusable (art. 1132 CC) : L’erreur n'est une cause de nullité que si elle n'est pas inexcusable. Le défendeur doit prouver le caractère inexcusable de l’erreur pour faire échec à la demande de nullité.
Sanction de l’erreur
Preuve : Le demandeur doit prouver que son consentement a été vicié, sauf pour le caractère inexcusable.
Sanction : L’erreur entraîne une nullité relative, qui se prescrit par 5 ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître l’erreur.