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CM ROME S9

I) Municipes et Cités

A) Les Municipes de droit latin

Les municipes de droit latin sont d'abord apparus en Italie avant d’être étendus au monde provincial. Ces municipes latins ne sont pas des créations ex nihilo, mais des évolutions de cités latines préexistantes.

Les premiers municipes latins en province apparaissent sous le règne de Domitien, notamment en Espagne à la fin des années 80 et au début des années 90. La charte de création d’Irni, en Bétique, datée de 91, montre que les institutions de ces municipes latins sont proches de celles des cités romaines, avec une administration organisée selon le modèle romain et de nombreuses prescriptions issues du droit romain.

Les habitants de ces municipes bénéficient d’une certaine flexibilité juridique. Leur ancien droit coutumier n’est pas totalement supprimé, ce qui leur permet, selon les circonstances, d’appliquer soit ce droit local, soit le droit latin, qui se rapproche du droit romain. Sous Hadrien, certaines cités latines ont obtenu un droit latin supérieur, ce qui conférait aux magistrats, aux sénateurs locaux et aux membres du conseil municipal le droit romain.

Dans ces municipes, on trouve différentes catégories de communautés : les civitates et les oppida de droit latin. Certaines cités provinciales possèdent le droit latin sans avoir le statut de colonie ou de municipe. C’est le cas en Gaule, notamment en Aquitaine (Hoches), en Belgique (Trêves, Cimiez) ou en Espagne. En 74-75, sous la censure de Vespasien et Titus, certaines cités ibériques ont reçu le droit latin sans devenir des municipes.

Les colonies latines et les municipes latins ne sont attestés que dans les quatre grandes provinces gauloises. En revanche, aucune colonie ni municipe latin n’existe en Orient, le droit latin étant spécifique à l’Occident. Ces municipes restent soumis à l’autorité romaine selon des modalités encore mal connues et différentes de celles des cités romaines ou pérégrines.

Le cas de Nîmes, cité de droit latin, est évoqué par Strabon, qui souligne qu’elle n’est pas soumise au proconsul de Narbonnaise et jouit d’une autonomie politique et administrative. Cette autonomie est-elle due à un privilège accordé par Auguste, ou est-elle une caractéristique commune à toutes les colonies latines des Gaules ? L’incertitude demeure.

Contrairement à une idée reçue, le droit latin n’est pas nécessairement une étape vers le droit romain. Certaines colonies latines ont effectivement obtenu le statut de cité romaine (comme Avignon sous Hadrien), mais d’autres, notamment en Espagne, sont restées des municipes latins sans promotion ultérieure.

B) Les Cités pérégrines

Les cités pérégrines ne sont ni des colonies ni des municipes. Elles ne possèdent ni le droit romain ni le droit latin. Elles constituent la majorité des cités dans les provinces de l’Empire et sont elles-mêmes hiérarchisées en fonction de leur statut juridique.

Les cités les plus prestigieuses sont les cités libres et fédérées. Elles ont signé un foedus (traité) avec Rome, souvent sous la République, par décision du Sénat, ou sous l’Empire, par décret de l’empereur. Ces cités bénéficient de nombreux privilèges :

  • Une autonomie politique interne,
  • Une exemption fiscale totale vis-à-vis de Rome,
  • Une dispense de la levée militaire,
  • L’interdiction du stationnement des troupes romaines,
  • Le maintien de leur propre système judiciaire.

Lorsqu’une province est créée, les cités fédérées en sont souvent exclues juridiquement. Elles deviennent des enclaves étrangères au sein du territoire romain. Aucun représentant romain ne peut y intervenir sans l’autorisation de leurs magistrats ou sans une décision impériale.

Historiquement, les premières cités fédérées apparaissent en Italie avant le IIIe siècle av. J.-C. Rome accorde ce statut aux communautés ayant prouvé leur loyauté durant la conquête. À l’époque impériale, les cités fédérées se trouvent principalement dans les provinces sénatoriales. Leur nombre est réduit en raison des privilèges fiscaux qu’elles possèdent. Pline l’Ancien, se fondant sur une source augustéenne, mentionne seulement quatre cités fédérées sur les 400 cités ibériques, et cinq dans les trois Gaules sur un total de cinquante.

Certaines cités fédérées ont obtenu le droit latin sous l’Empire, comme la cité des Voconces.

C) Les Cités libres

Les cités libres se distinguent des cités fédérées par le fait qu’elles n’ont signé aucun traité avec Rome. Leur autonomie repose sur un acte unilatéral de l’empereur, qui peut leur retirer ce statut à tout moment. Elles bénéficient cependant des mêmes privilèges que les cités fédérées, notamment en matière fiscale et judiciaire.

Le nombre des cités libres est plus élevé que celui des cités fédérées. En Espagne, on en compte six, tandis qu’en Gaule, on en dénombre dix.

D) Les Cités ordinaires (soumises au fisc romain)

Ces cités, souvent issues de peuples conquis ou de communautés réorganisées par Rome, doivent s’acquitter de l’impôt impérial. Elles conservent en partie leurs traditions et leur droit coutumier, mais elles sont soumises à la législation romaine. En cas de conflit entre le droit local et le droit romain, ce dernier prévaut.

Les représentants locaux appliquent les lois et décrets romains afin d’assurer le contrôle de la vie publique. Ces cités, bien que soumises, peuvent parfois bénéficier d’exemptions fiscales. Ainsi, la cité d’Éphèse, l’une des plus riches de la province d’Asie, est exemptée de certaines taxes au IIe siècle ap. J.-C.

Conclusion

En réalité, le système des cités dans l’Empire romain est marqué par de nombreuses nuances. L’indépendance des cités apparaît souvent comme une fiction juridique, car toutes sont plus ou moins soumises à Rome.

Deux paradoxes émergent :

  1. Les cités bénéficiant d’un statut fiscal privilégié sont minoritaires, tandis que la majorité des cités paient l’impôt foncier.
  2. Les cités de droit romain, bien que prestigieuses, disposent souvent d’une autonomie plus restreinte que celles de droit latin ou pérégrines.

La compétition entre cités pour obtenir des statuts plus avantageux est une constante de la vie civique impériale. Même après l’octroi de la citoyenneté romaine à l’ensemble des habitants libres de l’Empire en 212 (édit de Caracalla), les distinctions entre cités continuent d’exister, témoignant de l’importance du prestige dans la hiérarchie civique romaine.


CM ROME S9

I) Municipes et Cités

A) Les Municipes de droit latin

Les municipes de droit latin sont d'abord apparus en Italie avant d’être étendus au monde provincial. Ces municipes latins ne sont pas des créations ex nihilo, mais des évolutions de cités latines préexistantes.

Les premiers municipes latins en province apparaissent sous le règne de Domitien, notamment en Espagne à la fin des années 80 et au début des années 90. La charte de création d’Irni, en Bétique, datée de 91, montre que les institutions de ces municipes latins sont proches de celles des cités romaines, avec une administration organisée selon le modèle romain et de nombreuses prescriptions issues du droit romain.

Les habitants de ces municipes bénéficient d’une certaine flexibilité juridique. Leur ancien droit coutumier n’est pas totalement supprimé, ce qui leur permet, selon les circonstances, d’appliquer soit ce droit local, soit le droit latin, qui se rapproche du droit romain. Sous Hadrien, certaines cités latines ont obtenu un droit latin supérieur, ce qui conférait aux magistrats, aux sénateurs locaux et aux membres du conseil municipal le droit romain.

Dans ces municipes, on trouve différentes catégories de communautés : les civitates et les oppida de droit latin. Certaines cités provinciales possèdent le droit latin sans avoir le statut de colonie ou de municipe. C’est le cas en Gaule, notamment en Aquitaine (Hoches), en Belgique (Trêves, Cimiez) ou en Espagne. En 74-75, sous la censure de Vespasien et Titus, certaines cités ibériques ont reçu le droit latin sans devenir des municipes.

Les colonies latines et les municipes latins ne sont attestés que dans les quatre grandes provinces gauloises. En revanche, aucune colonie ni municipe latin n’existe en Orient, le droit latin étant spécifique à l’Occident. Ces municipes restent soumis à l’autorité romaine selon des modalités encore mal connues et différentes de celles des cités romaines ou pérégrines.

Le cas de Nîmes, cité de droit latin, est évoqué par Strabon, qui souligne qu’elle n’est pas soumise au proconsul de Narbonnaise et jouit d’une autonomie politique et administrative. Cette autonomie est-elle due à un privilège accordé par Auguste, ou est-elle une caractéristique commune à toutes les colonies latines des Gaules ? L’incertitude demeure.

Contrairement à une idée reçue, le droit latin n’est pas nécessairement une étape vers le droit romain. Certaines colonies latines ont effectivement obtenu le statut de cité romaine (comme Avignon sous Hadrien), mais d’autres, notamment en Espagne, sont restées des municipes latins sans promotion ultérieure.

B) Les Cités pérégrines

Les cités pérégrines ne sont ni des colonies ni des municipes. Elles ne possèdent ni le droit romain ni le droit latin. Elles constituent la majorité des cités dans les provinces de l’Empire et sont elles-mêmes hiérarchisées en fonction de leur statut juridique.

Les cités les plus prestigieuses sont les cités libres et fédérées. Elles ont signé un foedus (traité) avec Rome, souvent sous la République, par décision du Sénat, ou sous l’Empire, par décret de l’empereur. Ces cités bénéficient de nombreux privilèges :

  • Une autonomie politique interne,
  • Une exemption fiscale totale vis-à-vis de Rome,
  • Une dispense de la levée militaire,
  • L’interdiction du stationnement des troupes romaines,
  • Le maintien de leur propre système judiciaire.

Lorsqu’une province est créée, les cités fédérées en sont souvent exclues juridiquement. Elles deviennent des enclaves étrangères au sein du territoire romain. Aucun représentant romain ne peut y intervenir sans l’autorisation de leurs magistrats ou sans une décision impériale.

Historiquement, les premières cités fédérées apparaissent en Italie avant le IIIe siècle av. J.-C. Rome accorde ce statut aux communautés ayant prouvé leur loyauté durant la conquête. À l’époque impériale, les cités fédérées se trouvent principalement dans les provinces sénatoriales. Leur nombre est réduit en raison des privilèges fiscaux qu’elles possèdent. Pline l’Ancien, se fondant sur une source augustéenne, mentionne seulement quatre cités fédérées sur les 400 cités ibériques, et cinq dans les trois Gaules sur un total de cinquante.

Certaines cités fédérées ont obtenu le droit latin sous l’Empire, comme la cité des Voconces.

C) Les Cités libres

Les cités libres se distinguent des cités fédérées par le fait qu’elles n’ont signé aucun traité avec Rome. Leur autonomie repose sur un acte unilatéral de l’empereur, qui peut leur retirer ce statut à tout moment. Elles bénéficient cependant des mêmes privilèges que les cités fédérées, notamment en matière fiscale et judiciaire.

Le nombre des cités libres est plus élevé que celui des cités fédérées. En Espagne, on en compte six, tandis qu’en Gaule, on en dénombre dix.

D) Les Cités ordinaires (soumises au fisc romain)

Ces cités, souvent issues de peuples conquis ou de communautés réorganisées par Rome, doivent s’acquitter de l’impôt impérial. Elles conservent en partie leurs traditions et leur droit coutumier, mais elles sont soumises à la législation romaine. En cas de conflit entre le droit local et le droit romain, ce dernier prévaut.

Les représentants locaux appliquent les lois et décrets romains afin d’assurer le contrôle de la vie publique. Ces cités, bien que soumises, peuvent parfois bénéficier d’exemptions fiscales. Ainsi, la cité d’Éphèse, l’une des plus riches de la province d’Asie, est exemptée de certaines taxes au IIe siècle ap. J.-C.

Conclusion

En réalité, le système des cités dans l’Empire romain est marqué par de nombreuses nuances. L’indépendance des cités apparaît souvent comme une fiction juridique, car toutes sont plus ou moins soumises à Rome.

Deux paradoxes émergent :

  1. Les cités bénéficiant d’un statut fiscal privilégié sont minoritaires, tandis que la majorité des cités paient l’impôt foncier.
  2. Les cités de droit romain, bien que prestigieuses, disposent souvent d’une autonomie plus restreinte que celles de droit latin ou pérégrines.

La compétition entre cités pour obtenir des statuts plus avantageux est une constante de la vie civique impériale. Même après l’octroi de la citoyenneté romaine à l’ensemble des habitants libres de l’Empire en 212 (édit de Caracalla), les distinctions entre cités continuent d’exister, témoignant de l’importance du prestige dans la hiérarchie civique romaine.

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