I. Athènes entre domination étrangère et quête d’autonomie
A. Une démocratie affaiblie face à la puissance macédonienne (338-287)
La défaite d’Athènes face à Philippe II lors de la bataille de Chéronée en 338 marque un tournant majeur. L’unité grecque défendue par Démosthène ne se réalise pas : plusieurs cités, comme les Thessaliens, soutiennent Philippe, tandis que d’autres restent neutres. En dépit de cette défaite, Philippe traite Athènes avec une certaine clémence, épargnant la ville et sa flotte, mais exigeant l’abandon de la seconde confédération athénienne.
L’année suivante, en 337, la ligue de Corinthe est fondée. Philippe en devient l’hégémôn, garant de la paix commune et initiateur d’une croisade contre la Perse. Cette organisation consacre la domination macédonienne sur le monde grec. Athènes, bien que soumise, participe à l’expédition d’Alexandre en envoyant des troupes, tandis que certains de ses citoyens servent comme mercenaires dans les rangs perses. En 335, à l’annonce (erronée) de la mort d’Alexandre, Thèbes se soulève. Athènes hésite, mais envoie des troupes : la destruction de Thèbes l’incite à la prudence.
Sur le plan intérieur, la réforme de l’éphébie (336/5) permet une militarisation plus poussée des jeunes citoyens et une meilleure défense de la cité. Par ailleurs, sous l’impulsion de Lycurgue, la ville connaît un embellissement et un regain de patriotisme. Cependant, la domination macédonienne reste pesante : Alexandre exige la restitution de Samos, le retour des bannis et celui d’Harpale, son trésorier. À sa mort en 323, Athènes se joint à une coalition grecque pour tenter de se libérer : c’est la guerre lamiaque. Mais la défaite entraîne de lourdes conséquences : garnison macédonienne au Pirée, restriction du droit de cité (cens de 2 000 drachmes), exil ou mort des orateurs anti-macédoniens comme Démosthène, et perte de territoires comme Samos ou Oropos.
B. Entre soumission et résistance : l’instabilité politique (287-229)
La mort d’Antipater en 319 relance brièvement l’espoir démocratique. Polyperchon rétablit la démocratie, vite renversée par Cassandre qui impose une oligarchie modérée. Démétrios de Phalère gouverne Athènes entre 317 et 307 et met en place des réformes conservatrices : accroissement du pouvoir de l’Aréopage, lois somptuaires, suppression des misthoi (indemnités démocratiques), et restrictions civiques.
En 307, Démétrios Poliorcète libère Athènes, accueillie avec enthousiasme. La cité le remercie en renommant des tribus à son nom. Pourtant, la situation reste instable : Démétrios impose plus tard une garnison, et la ville repasse sous domination macédonienne jusqu’en 287, date à laquelle une coalition expulse la garnison de l’asty.
L’illusion de la liberté ne dure pas. À partir de 268, Athènes s’allie à Sparte et à Ptolémée II contre les Antigonides (décret de Chrémonidès), mais cette guerre tourne à la catastrophe. Une nouvelle garnison est installée dans la ville, un régime autoritaire est mis en place, et Athènes devient de fait un État satellite de la Macédoine jusqu’en 229.
C. Le difficile retour à l’indépendance et le rayonnement culturel
La mort de Démétrios II en 229 permet à Athènes de racheter son indépendance. Une nouvelle liste d’archontes est élue, et la cité renoue avec sa tradition civique. Un culte est voué à Ptolémée III, preuve du rôle diplomatique des Lagides dans cette libération.
Face aux agressions de Philippe V, Athènes se tourne vers Rome et Pergame, scellant ainsi son intégration dans les alliances anti-macédoniennes. La cité se distingue alors moins par son poids militaire que par son rayonnement culturel. Elle reste un centre intellectuel majeur, accueillant les écoles philosophiques de l’Académie, du Lycée, des épicuriens et des stoïciens. Athènes cultive ainsi une forme d’autonomie spirituelle, même sous l’ombre tutélaire des grandes puissances hellénistiques.
II. Sparte, entre déclin territorial et tentatives de réforme
A. La perte de l’hégémonie péloponnésienne
Sparte, traditionnellement fondée sur un modèle oligarchique et militaire, connaît au IVe siècle un recul territorial majeur, notamment en Messénie et en Laconie. Si elle reste à l’écart de la bataille de Chéronée en 338, Philippe II l’attaque en 337, affaiblissant encore son emprise. Dès lors, Sparte se retrouve encerclée, marginalisée sur la scène grecque, et absente de l’expédition d’Alexandre, ce que souligne Arrien dans l’Anabase.
Les tentatives d’opposition directe sont un échec : Agis III meurt en combattant les Macédoniens en 330. Plus tard, Areus Ier tente de rejouer un rôle diplomatique et militaire, notamment lors de la guerre de Chrémonidès, mais il est tué au combat.
B. Entre résistance militaire et effondrement politique
À la fin du IIIe siècle, Cléomène III, roi ambitieux et réformateur, relance temporairement la puissance spartiate. Il mène une campagne militaire contre le Koinon achaïen et reprend Argos et Corinthe. Cependant, l’alliance de ses adversaires avec Antigone III Doson conduit à sa défaite en 222 à Sellasie. Sparte est envahie pour la première fois de son histoire et perd son autonomie.
Cette défaite ouvre une période d’instabilité et de tentatives de réforme. Le roi Nabis, souvent qualifié de tyran, tente de poursuivre l’œuvre de Cléomène : abolition des dettes, redistribution des terres, affranchissement d’hilotes. Mais sa politique autoritaire suscite l’opposition des Romains et des Achéens qui envahissent la Laconie en 195. Après l’assassinat de Nabis en 192, Sparte est contrainte d’intégrer le Koinon achaïen.
C. Une réforme sociale face à une crise profonde
La crise spartiate est avant tout démographique : le nombre de citoyens homoioi diminue drastiquement (à peine 700 au IIIe siècle). Cette oliganthropie menace l’existence même de l’État. Des réformes sont alors entreprises pour restaurer la puissance civique : intégration de périèques, affranchissement d’hilotes, redistribution des terres, et abolition des dettes.
Ces réformes, amorcées par Agis IV (assassiné en 241), sont reprises avec plus de vigueur par Cléomène III. Il renforce le pouvoir royal, abolit l’éphorat, réforme l’armée selon le modèle macédonien, et rétablit l’agôgè. Il tente ainsi un retour à une Sparte idéalisée, celle de Lycurgue, dans un mouvement de "ré-archaïsation". Malgré un soutien populaire, sa défaite signe la fin de cette tentative. Sparte, profondément transformée, perd son indépendance, sa monarchie, et devient une cité secondaire du monde romain après 146.