Umberto Eco définit le fascisme non pas comme un mouvement architectural ou un système idéologique monolithique, mais plutôt comme un ensemble de caractéristiques que l'on peut retrouver dans plusieurs contextes historiques. Parmi ces caractéristiques, Eco évoque notamment le rejet de la complexité. Le fascisme admet un monde binaire, noir ou blanc, où les nuances sont ignorées, poussant à l'extrême un simplisme qui appelle à une polarisation des opinions. Il souligne également la mythification du passé et l'usage d'une histoire façonnée au service d'une idéologie. Le fascisme se nourrit de l'obsession pour le passé, glorifiant des moments historiques afin de légitimer ses actions présentes. Cette construction d'une identité nationale se fait souvent au détriment des minorités et de la diversité culturelle. Eco aborde aussi l'importance du ressentiment dans le discours fasciste. Les fascistes exploitent les peurs et l'insécurité de la population face au changement, créant des boucs émissaires souvent désignés comme responsables des maux de la société. Cela engendre une dynamique de victimisation du peuple, s'opposant à un autre camp perçu comme l'ennemi. Enfin, il met en lumière les ressorts de la communication fasciste, où le langage et les symboles sont utilisés de manière à créer une adhésion émotionnelle au lieu d'une véritable réflexion critique. Les stéréotypes, les slogans et les expressions populaires sont des outils essentiels dans la propagande fasciste pour asseoir son pouvoir et diversifier son public.

Eco développe également les moyens par lesquels le fascisme maintient son emprise sur la population, notamment à travers la censure des médias et la manipulation de l'information. La diffusion d'une information contrôlée permet de façonner un discours homogène où toute opposition est marginalisée. Parallèlement, il y a une pulsion vers la violence, souvent considérée comme légitime pour maintenir l'ordre et l'unité du corps social. La propagande occupe une place centrale dans la mise en oeuvre de l'idéologie fasciste, et Eco insiste sur le fait que le divertissement, la culture populaire et les médias de masse sont exploités pour maintenir l'attention du public sur des sujets choisis, détournant l'attention des problèmes sociaux, économiques ou politiques réels. Les réseaux sociaux contemporains sont souvent mis en avant par Eco comme un espace de propagation des idées fascistes, où la vitesse et le format court permettent une désinformation rapide, mobilisant le ressenti et créant des mouvements de masse sans réflexion approfondie.

Finalement, Eco conclut en soulevant la nécessité d'une vigilance sociale face aux dérives fascistes. Il préconise une éducation critique aux médias et au discours politique afin de contrer cette tendance. La réflexion personnelle et l'interrogation sur notre propre position par rapport aux discours dominant sont essentielles pour ne pas céder à la facilité du simplisme. L'engagement personnel et collectif est présenté comme une réponse nécessaire pour construire une société plus juste, fondée sur le dialogue et l'ouverture, plutôt que sur la division et la haine.