I. La conception de Joseph de Maistre : La Constitution préexistante et organique

Joseph de Maistre défend l'idée que la Constitution d'un peuple n'est pas le produit d'une délibération ou d'une création humaine. Pour lui, la Constitution est le résultat de l'histoire et des traditions d'une nation.
Il critique l'idée révolutionnaire selon laquelle une assemblée pourrait écrire une Constitution pour fonder une nation. Selon lui, les constitutions écrites ne sont que des déclarations de droits antérieurs, qui existent déjà dans la société.

La Constitution naturelle : La Constitution d'une nation est organique, enracinée dans la nature et l'histoire. Elle reflète les droits et coutumes qui préexistent à toute législation écrite.
Critique de la révolution : Maistre considère qu'il est impossible pour une assemblée de créer une nation par le biais de lois écrites. La tentative de créer une Constitution artificielle serait vouée à l'échec.

Maistre s'oppose radicalement aux idées modernes de souveraineté populaire et de changement constitutionnel. Sa conception est conservatrice et rejette l'idée que la Constitution peut être modifiée ou créée ex nihilo par des représentants politiques.

II. La conception d’Emmanuel Sieyès : La Constitution comme expression de la souveraineté nationale

Emmanuel Sieyès distingue clairement la nation du gouvernement. Selon lui, la nation existe avant toute Constitution et c'est la nation qui est à l'origine de la Constitution. La volonté nationale est la source ultime de la loi.
Sieyès affirme que la Constitution organise les pouvoirs publics (législatif, exécutif, judiciaire), mais elle est le résultat de la volonté constituante de la nation.

Pouvoir constituant vs pouvoir constitué : Sieyès fait la distinction entre le pouvoir constituant (la nation, qui est souveraine) et le pouvoir constitué (les institutions qui sont créées par la Constitution et qui doivent obéir à cette dernière).
Primauté de la nation : La nation est l'élément fondamental, et toute légitimité découle de sa volonté. Avant la Constitution, il y a la volonté nationale, qui fixe les règles pour organiser le gouvernement.
Organisation des pouvoirs : La Constitution définit l'organisation du corps législatif, la protection des citoyenset les limites imposées aux pouvoirs publics pour éviter les abus.

Sieyès est l'un des principaux théoriciens de la souveraineté populaire. Il défend l'idée que la Constitution est le produit de la volonté collective, ce qui lui confère une légitimité politique supérieure. Cette conception a fortement influencé les révolutions démocratiques modernes et les constitutions écrites.

Hans Kelsen propose une théorie formelle du droit, où la Constitution est au sommet d'une hiérarchie de normes. Pour lui, la Constitution fixe les règles qui permettent de créer d'autres normes, que ce soit au niveau procédural (comment une loi est créée) ou substantiel (ce que la loi doit contenir).
La Constitution est la norme fondamentale qui régit l'ensemble de l'ordre juridique. Elle sert de fondement à la validité des lois qui en découlent.

Hiérarchie des normes : Kelsen décrit l'ordre juridique comme une pyramide de normes. Au sommet se trouve la Constitution, suivie des lois, des règlements, et ainsi de suite.
Norme fondamentale : Chaque norme tire sa validité de la norme supérieure. Au sommet de cette chaîne se trouve une norme fondamentale hypothétique qui justifie l'ensemble du système juridique.
Processus de création des normes : La Constitution règle les procédures de création des normes inférieures, ainsi que le contenu des lois dans certains cas.

Kelsen apporte une vision dynamique et formelle du droit. Sa théorie met l'accent sur la cohérence et l'unité de l'ordre juridique, tout en insistant sur le respect de la hiérarchie des normes.
La norme fondamentale est un concept théorique qui permet de justifier la validité du système juridique dans son ensemble, sans se baser sur des considérations historiques ou politiques.